Depuis 2021 en France, l'objectif "ZAN" est inscrit dans la loi et contraignant. Avant de l'atteindre complètement en 2050, le pays doit diviser par deux, tous les dix ans, le rythme de grignotage par la ville des sols naturels, délétère pour l'environnement, le climat et la biodiversité.
Pour les promoteurs, dont le modèle économique consiste historiquement à acheter des terrains "nus" - non artificialisés -, bâtir dessus et revendre, "c'est un changement de modèle qui n'est pas forcément serein", explique à l'AFP Vincent Le Rouzic, directeur des études de la Fabrique de la Cité, laboratoire d'idées du groupe Vinci.
La filiale immobilière du géant du BTP se veut pionnière en la matière. Elle s'est fixé en 2022 deux objectifs: atteindre dès 2030 le ZAN, calculé selon une métrique élaborée au sein du groupe, et réaliser, avant 2030, plus de la moitié de son chiffre d'affaires dans le recyclage urbain.
"Une façon de réenvisager notre métier", explique à l'AFP le PDG de Vinci Immobilier, Olivier de la Roussière.
Le groupe refuse désormais les projets les plus artificialisants au regard de la surface construite. "Typiquement, un lotissement avec des maisons individuelles, des routes, etc. Ca, c'est quelque chose qu'on a vraiment banni", affirme Olivier de la Roussière.
"On construit beaucoup plus, aujourd'hui, sur des zones qui sont déjà artificialisées, on va chercher ce type de terrain; et quand il faut, on désartificialise", détaille-t-il.
Dépolluer
Ce qui a des conséquences sur l'équilibre économique des opérations.
"Avec la rareté du foncier, ce sont parfois des équations qui sont compliquées à trouver, d'autant qu'on est dans une augmentation très forte, depuis deux ans, du coût des matériaux", témoigne Caroline Delgado-Rodoz, directrice générale Grands projets du promoteur OGIC.
Pour la construction sur les friches, Vinci Immobilier a ainsi dû engager un spécialiste de la dépollution, et prévoit plus de fonds, sur chaque chantier, pour faire face à d'éventuels aléas.
"Un site pollué coûte de l'argent, un site à démolir aussi. Ce sont des études beaucoup plus poussées", détaille Olivier de la Roussière. "Il y a un gros travail pour vérifier les coûts de tout ce qui est réhabilitation, dépollution, désamiantage..."
Le groupe vise aussi les anciens immeubles de bureaux rendus obsolètes par les nouveaux modes de travail ou leur éloignement des centres-villes.
"Il y aura des friches de bureaux comme il y a eu des friches de caserne, comme il y aura des friches commerciales, etc. Il y a plein de raisons pour lesquelles on peut avoir des friches", veut croire Olivier de la Roussière.
"Oui, les immeubles obsolètes commencent à intéresser, surtout en Île-de-France, il commence à y avoir une compétition", a dit lors d'une conférence de presse Marc Villand, président de la Fédération des promoteurs immobiliers francilienne. Mais "quand on reprend ces vieilles structures, elles sont souvent entre 20 et 35% plus chères que le neuf".
Densité
Les contraintes du ZAN posent aussi des questions d'acceptabilité, dans un contexte où les constructions neuves suscitent souvent des oppositions de riverains.
"Avec la question du ZAN, ce qui arrive, c'est aussi l'acceptabilité de la hauteur et de la densité dans les îlots", estime Caroline Delgado-Rodoz.
"On ne veut pas faire de hauteur, on veut aussi de la nature en ville... mais le foncier étant ce qu'il est, on doit parfois faire de la densité pour créer en ville de l'aération, et c'est tout cet équilibre-là qu'il faut trouver", ajoute-t-elle.
"Quand vous arrivez sur un territoire, vous ne pouvez pas arriver avec un projet qui ne présente pas des atouts pour l'environnement, pour les riverains", juge Benoît Fragu, directeur du développement de la foncière Covivio. "Vous êtes obligés de proposer aux gens un projet qui va être acceptable. Le projet où vous allez bétonner la ville, c'est terminé."