Elue en juin 2021 à la tête du Conseil national de l'Ordre des architectes, elle se rappelle, quelques mois après, lors d'un colloque avec des aménageurs et des représentants de l'Etat, "avoir porté un discours assez fort sur la crise du dérèglement climatique, la biodiversité, les ressources... et je voyais bien dans la salle que ça tanguait un peu", raconte-t-elle.
"J'ai reçu quelques courriers", dit prudemment cette Normande de 45 ans, aux cheveux clairs et visage rond, dans son bureau au 47e étage de la tour Montparnasse à Paris.
Aux murs, près d'une photo d'un hommage à Charlie Hebdo place de la République, des indices de son action politique: un trombinoscope du gouvernement, une frise chronologique listant les grandes dates butoir du travail législatif, les rassemblements des partis et des associations...
"C'est quelqu'un qui est extrêmement volontariste sur les sujets qu'elle souhaite porter, qui a un sens politique assez développé", témoigne Fabien Gantois, qui lui a succédé à la tête de l'Ordre régional d'Île-de-France.
En 2022, pour peser sur la campagne présidentielle, elle publie un plaidoyer "L'architecture comme solution" et rencontre plusieurs représentants des candidats, dont le futur ministre du Logement, Olivier Klein.
Et écrit, avec l'urbaniste Sylvain Grisot, "Réparons la ville!", pamphlet pour l'urbanisme écologique qui concentre ses grands combats : rénover le "déjà là" plutôt que démolir ou artificialiser, construire autrement qu'avec du béton, développer la nature en ville, les mobilités douces, la participation citoyenne...
"Pour moi, l'Ordre n'était pas le lieu où s'élaborait une pensée de la transition. (...) Là, c'était clairement le cas, un appel à un changement de pratiques", témoigne Sylvain Grisot.
Rénover
Par rapport à ses prédécesseurs, Christine Leconte défend une approche "moins juridique et moins Caliméro", une approche "qui montre des solutions".
Comme quand elle défend la rénovation au lieu de la démolition et de la construction neuve, trop polluantes, bousculant les habitudes des aménageurs ou de certains confrères.
"C'est en comprenant le lieu qu'on peut y apporter les solutions et y trouver la matière qui va nous aider à faire le projet, réhabiliter, réparer, rénover... par contre c'est un super support à la création, il ne faut pas croire que la création est bridée par la rénovation !", soutient-elle.
Elle a aussi défendu le mouvement de grève des écoles d'architecture -elle enseigne à celle de Versailles- qui réclamaient davantage de moyens pour être à la hauteur des défis environnementaux.
Son arrivée à la tête de l'Ordre symbolise une profession qui s'est féminisée - la moitié des architectes entrant dans la profession sont des femmes - et très consciente des enjeux écologiques.
"Dans la nouvelle génération, c'est quelque chose de totalement acquis ; et dans la génération qui construit aujourd'hui, il y a une transformation, qui peut être volontaire ou appuyée par les changements normatifs", appuie Fabien Gantois.
Signe de sa nouvelle visibilité, lors du Conseil national de la refondation (CNR) dédié au logement voulu par Emmanuel Macron, elle a co-animé l'un des groupes de travail sur la transition écologique, avec la députée macroniste Marjolaine Meynier-Millefert.
"Je lui trouve une superbe énergie. C'est quelqu'un qui est très dynamique, très impliquée dans les sujets", confie la parlementaire, marquée par son "engagement très volontariste mais pas aride".
Pas assez pour convaincre l'exécutif, qui a ignoré quasi toutes les propositions issues du CNR.
"Quand ils nous font travailler comme ça, bénévolement, il faut qu'ils se rendent compte que derrière, si on n'est pas écoutés, c'est quand même un peu dur", fustige Christine Leconte. Avant d'immédiatement égrener toutes les propositions issues de ce travail qu'elle a vu ressurgir çà et là dans les mesures prises par les pouvoirs publics.
En juin prochain, son mandat prend fin. "Sans doute" voudra-t-elle rempiler, dit-elle. "En tout cas, mon équipe et moi, on a envie de continuer dans la même lignée".