Dans ce contexte particulièrement tendu, comment les agents immobiliers s’adaptent-ils et quel regard portent-ils sur leur avenir ? Partenaire de 8.000 agences immobilières en France, Opinion System les a sondées pour avoir une vision au plus proche des réalités terrain.
Entre pessimisme et espérances
Depuis la dernière édition de ce baromètre en mai 2023, le moral des agents immobilier semble s’être fortement dégradé. Ainsi, 68% se déclarent pessimistes concernant les perspectives du marché (+14 pts). L’anxiété gagne du terrain : 73% se disent inquiets à propos de la stabilité des prix (+16 pts), 75% sur l’état d’esprit des vendeurs (+20 pts) et 72% sur celui des acheteurs (+13 pts).
Objet de toutes les crispations, le taux d’emprunt accordé aux acheteurs a enregistré une hausse conséquente pour approcher les 5% fin 2023.
Si 81% des agents immobiliers se déclarent préoccupés par les conditions d’accès des Français au crédit (+1 pt), l’espoir d’une issue favorable semble renaitre à la faveur d’une légère baisse des taux constatée par de nombreux professionnels.
Cette bonne nouvelle pour le marché l’est aussi pour des milliers de ménages qui pourraient voir leurs dossiers se débloquer, avec des gains pouvant atteindre plusieurs dizaines de milliers d’euros sur la durée de financement de leur projet. Enfin un peu d’espoir à l’horizon ? S’il est encore tôt pour tirer des conclusions définitives, les agents immobiliers font preuve d’un certain optimisme avec 52% d’entre eux qui anticipent un déblocage du marché dans les 12 prochains mois.
Les vendeurs campent sur leurs positions face à des acheteurs toujours moins nombreux
En mai 2023, un des enseignements du précédent baromètre alertait sur la mentalité des vendeurs se refusant à baisser leur prix de vente. Six mois plus tard, la situation n’a pas changé, voire s’est même renforcée. 86% des vendeurs maintiennent leur prix de vente (+7 pts), de plus en plus souvent supérieur à l’estimation faite par leur agent immobilier. La récente baisse des taux sera-t-elle de nature à les conforter ?
S’il est facile de comprendre leurs motivations, la situation peut surprendre du côté des acheteurs. Les agents sont toujours aussi nombreux à constater les difficultés qu’ils rencontrent pour obtenir un crédit (88%), à tel point que 92% des professionnels déclarent avoir du mal à identifier de potentiels acquéreurs pour les biens de leur portefeuille.
Pourtant, les acquéreurs semblent prêts à faire quelques efforts et concessions en augmentant par exemple leur apport, un fait observé par 67% des professionnels. Leurs attentes, nées durant les confinements en matière d’espaces extérieurs, semblent également moins déterminantes (74%, -8 pts).
Performance énergétique des logements : moins déterminante pour les acheteurs, plus contraignante pour les agents
Interdiction progressive de location des passoires thermiques, obligation de réaliser un audit énergétique… la loi Climat et résilience a introduit une série de dispositifs dans l’objectif d’accélérer la rénovation énergétique du parc de logements français. L’entrée en vigueur des premières mesures, dont l’interdiction de location des pires passoires thermiques dès 2023, a entrainé une accélération des mises en vente des logements les plus énergivores.
Lors de la précédente édition du baromètre, 60% des agents immobiliers constataient l’importance grandissante accordée par les acheteurs à la performance énergétique, et 47% déclaraient que c’était même devenu un argument de négociation. Des considérations moins prégnantes aujourd’hui, avec 44% des agents qui relèvent un intérêt majeur accordé à la performance énergétique des biens (-16 pts), et 24% qui constatent son poids comme un argument de négociation (-23 pts). Désormais, seuls 27% des agents estiment que les acheteurs sont prêts à écarter un bien de leur sélection en raison d’une mauvaise performance énergétique (-10 pts).
Dans un contexte de blocage du marché, le regard des agents immobiliers est lui-aussi de plus en plus mitigé sur ces mesures de la loi Climat. 8% pensent qu’il s’agit d’une bonne initiative dans son esprit et son exécution (-7 pts) et 71% qu’il s’agit d’une bonne initiative dans l’esprit mais pas dans l’exécution. A l’opposé, plus d’un agent immobilier sur 5 (21%) pense qu’il s’agit d’une mauvaise initiative, en hausse de 8 points depuis la précédente édition du baromètre.
S’adapter pour ne pas subir
Inquiets, mais combatifs. Tel semble être l’état d’esprit actuel d’une majorité d’agents immobiliers. Alors que plus d’1 agence sur 2 (58%) craint pour son développement économique et le maintien de ses emplois (chiffre en hausse de 19 points sur le second semestre 2023), une part significative d’entre elles a élargi son champ d’action auprès de ses clients (20%). Si les activités de transaction et de location étaient grippées en raison des conditions de marché, la diversification vers la gestion locative et, dans une moindre mesure, le syndic est gage de sécurité. Notons toutefois que 2 agences sur 5 (42%) ont opté pour le statu quo et se concentrent uniquement sur leur périmètre actuel. Une stratégie potentiellement risquée si le blocage du marché perdure.
Pour Jean-David Lépineux, dirigeant d’Opinion System : « Le 1er enseignement de cette deuxième édition du baromètre du moral des agents immobiliers est sans appel et à l’image de la situation du marché immobilier ces derniers mois. Après plusieurs années d’euphorie qui ont suscité des vocations chez de nombreux professionnels, les agents immobiliers subissent de plein fouet une situation qui pèse lourdement sur leur activité. Toutefois, à l’image de la très récente baisse des taux, nous détectons quelques signaux sur le terrain qui laissent entrevoir la possibilité d’une reprise de l’activité. Au rang des enseignement positifs, nous constatons qu’une part significative de professionnels a fait le choix d’élargir son champ d’action pour maintenir une activité et ne plus dépendre exclusivement de la transaction et de la location. Ce baromètre démontre aussi que la compétence immobilière des professionnels et l’accompagnement des clients sont plus que jamais primordiaux, que ce soit pour permettre aux acheteurs et vendeurs de mieux tenir compte du contexte actuel, mais aussi des nouvelles exigences et ambitions environnementales qui vont en partie conditionner le marché de demain. L’heure est venue du retour aux fondamentaux du métier d’agent immobilier. »
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