Aux Pays-Bas, et en Europe en général, c'est le grand sujet pour l'industrie solaire, promise à un déploiement massif au vu des objectifs énergétiques et climatiques des Etats: où trouver l'espace pour s'implanter, et se faire accepter ?
"On regarde partout", répond Maarten De Groot, du groupe GroenLeven, filiale de l'allemand BayWa, qui mise sur ces espaces où les installations peuvent faire "double usage".
Ainsi Piet Albers accueille-t-il, en guise de serre, des toits en panneaux photovoltaïques, posés à trois mètres du sol au-dessus de ses précieuses framboises.
"Je voyais les étés s'allonger, et ces fruits de la forêt brûler sous les serres. Il fallait les protéger", raconte-t-il.
L'agriculteur, qui produit, en monoculture, plus de 200 tonnes de framboises par an, n'engrange pas de loyer de la part de l'énergéticien, mais tire d'autres avantages depuis trois ans: des températures plus constantes, 25% d'arrosage en moins, une protection contre les grêlons, du plastique de serre économisé...
Un large sourire fend son visage buriné, alors que 37°C s'annoncent cette semaine dans sa région : "Sous serre, j'aurais dû jeter 10 à 20% des fruits".
BayWa en revanche a des surcoûts à assumer: panneaux non standard et moins productifs (semi-transparents pour filtrer la lumière), maintenance plus compliquée, énumère Maarten De Groot, pour qui "l'essor des projets à +double usage+ dépendra du soutien de l'Etat".
Un projet "agrivoltaïque" peut induire une perte de 15-25% de revenu par rapport aux parcs solaires au sol. Ces derniers, moins chers et plus productifs, resteront de ce fait nécessaires, estime le secteur.
A chaque projet, ses riverains
Cependant toutes les solutions émergentes ne sont pas forcément très coûteuses, souligne BayWa. A 50 km de chez M. Albers, l'entreprise a installé un parc flottant sur un lac de carrière.
Cette cavité de 30 m de fond, formée par des années d'extraction du sable et remise en eau, accueille désormais 17 hectares de panneaux solaires à perte de vue, sur la moitié de sa superficie.
"Les flotteurs sont une technologie éprouvée, pas du tout high tech", assemblés comme des pontons, montre Hugo Parant, chef de projets chez BayWa r.e. France. L'investissement est plus important qu'au sol, mais la construction rapide, la maintenance simple, et l'eau, en évitant toute surchauffe, accroît le rendement.
Sur l'eau eux aussi, une douzaine de transformateurs envoient au poste à terre 20.000 volts par un énorme câble, à destination d'environ 10.000 foyers.
Ici, l'énergéticien verse un loyer à la carrière, mais souvent il vend à l'industriel une électricité décarbonée et à prix stable.
Ce parc d'Uivermeertjes est avec 29,8 mégawatts (MW) selon BayWa, le 2e plus grand parc flottant d'Europe. Le premier est aussi au Pays-Bas.
L'idée ne fait pas que des heureux, comme William Peters, qui y pêche carpes et tanches. "Les poissons grossissent, mais est-ce que cela continuera ?", demande-t-il aux représentants de l'industriel, qui tentent de le rassurer : une étude sur un autre plan d'eau a montré un faible écart de températures.
"Nous sommes un petit pays. Dès que vous avez un projet, vous trouvez un riverain, il faut vraiment réfléchir au partage de l'espace", note Maarten De Groot.
Dans le pays le plus densément peuplé d'Europe, le déploiement des énergies renouvelables a commencé avec l'éolien, dans le nord, moins habité. Il s'y trouve aujourd'hui limité par les capacités du réseau électrique, tandis que le sud est très urbanisé, et les toits déjà très équipés.
Or le défi est là: les Pays-Bas, qui visent la neutralité carbone en 2050, tirent des renouvelables moins de 12% de leur consommation d'énergie finale.
Mondialement, le constat est similaire: 2021 a vu un déploiement inédit des capacités solaires et éoliennes, mais il faudrait en installer chaque année quatre fois plus pour garder le réchauffement planétaire à 1,5°C, souligne l'Agence internationale de l'énergie.