On voit des travailleurs sur les échafaudages en bois, on en aperçoit d'autres par les fenêtres à l'intérieur d'immeubles inachevés. Certains transportent des matériaux divers, d'autres mélangent du ciment.
Tout semble se faire à la main dans ce paysage à la teinte froide où dominent la terre, les sapins, et les bâtiments aux toitures vert pâle ou rouge brique.
C'est un projet titanesque ordonné par le leader nord-coréen Kim Jong Un lui-même dont l'objectif n'est autre que de reconstruire entièrement Samjiyon, localité hautement symbolique aux confins du pays.
Car cette ville est le chef-lieu d'un comté à la frontière chinoise qui inclut non seulement le lieu de naissance -selon la propagande nord-coréenne- de Kim Jong Il, père et prédécesseur de Kim Jong Un, mais aussi le Mont Paektu, berceau légendaire de la Nation coréenne.
Le projet compte notamment un musée des activités révolutionnaires, un stade d'entraînement aux sports d'hiver, une nouvelle ligne de chemins de fer à destination de Hyesan, 10.000 logements ou encore une usine de conditionnement de myrtilles et pommes de terre, les deux ressources les plus importantes de la zone.
Montagne de pommes de terre
C'est le genre de grand chantier qui ne peut être lancé que dans un Etat monolithique comme la Corée du Nord, où les autorités peuvent décider de déployer soudainement d'énormes ressources sur un seul objectif, et de mettre en oeuvre le projet de façon autoritaire.
Les résultats peuvent être impressionnants, comme quand des milliers de logements avaient été construits en seulement trois mois après des inondations dans la province de Hamgyong du Nord en 2016.
Mais de nombreuses questions se posent sur la pérennité de ces projets, au-delà de la seule érection des infrastructures.
Kim Jong Un a lui-même fait part de ses préoccupations lors de plusieurs inspections du chantier de Samjiyon, notamment l'une, l'an dernier, au cours de laquelle il s'était fait photographier avec divers responsables sur une montagne de pommes de terre.
L'idée était de promouvoir la culture du tubercule pour diversifier la production et lutter contre les pénuries alimentaires.
La qualité doit primer sur la vitesse d'exécution du chantier, avait alors dit M. Kim aux ouvriers, selon l'agence officielle KCNA qui le citait déclarant que si les bâtiments étaient "beaux en apparence mais vides de substance, les générations à venir en nourriraient de la rancoeur".
Il souligna aussi la nécessité d'assurer un approvisionnement électrique suffisant pour transformer Samjiyon, la "maison de notre révolution", en "une station de montagne raffinée" au milieu du "comté le plus riche du pays", selon KCNA.
Hivers très rigoureux
L'objectif est ambitieux dans une zone montagneuse très reculée qui est la proie d'hivers très rigoureux, et dont la plupart des routes ne sont pas goudronnées.
A en croire les administrations locales, la moitié de la population active du comté, qui compte 25.000 habitants, est employée dans la maintenance de ses sites historiques, 20% dans l'agriculture et le reste dans l'industrie, notamment la transformation alimentaire.
Pyongyang n'a pas annoncé le montant de ce projet qui est censé ouvrir par phases. M. Kim a demandé qu'il soit achevé pour le 75ème anniversaire de la fondation du Parti des travailleurs de Corée, en octobre 2021.
A Samjiyon, certains des bâtiments semblent achevés, mais d'autres ne sont que des coquilles de béton.
En Corée du Nord, une part importante des effectifs de l'armée est affectée à des projets de construction, et nombre d'ouvriers de Samjiyon sont des militaires qui travaillent même lors de "Chuseok", la fête des récoltes, l'une des plus importantes de l'année.
Beaucoup d'étudiants ont aussi été mobilisés pendant les vacances scolaires.
La Corée du Nord ne manque pas de main d'oeuvre, mais des observateurs de la situation nord-coréenne estiment que les sanctions internationales imposées à Pyongyang en raison de ses programmes nucléaire et balistique ont un impact sur des grands projets comme celui de Samjiyon ou comme la Zone touristique de Wonsan-Kalma, sur la côte ouest, dont l'ouverture a été plusieurs fois reportée.