"Ce n'est pas eux qui se sont trompés, c'est la banque qui les a trompés": le parquet général a requis mardi l'amende maximale de 187.500 euros contre une filiale de BNP Paribas, pour avoir "caché" aux consommateurs les risques de son produit.
La BNP Paribas Personal Finance est rejugée depuis le 15 mai devant la cour d'appel de Paris: en cause, la commercialisation en 2008 et 2009 de ce prêt en francs suisses mais remboursable en euros. Plus de 4.600 clients y ont souscrit, pour un total de 770 millions d'euros.
"On a caché un certain nombre de risques à l'emprunteur pour le pousser à souscrire ce prêt", a estimé l'avocat général Yves Micolet, parlant "d'omissions trompeuses" et demandant la condamnation de la filiale, connue en France via la marque Cetelem, pour pratique commerciale trompeuse et recel.
Regrettant la "faiblesse" de la peine encourue, le représentant du ministère public a requis une publication de la condamnation "en première page" des principaux journaux.
"La situation est choquante, vous avez plus de 2.500 personnes qui ont une vie gâchée et une banque qui s'est enrichie sur le dos de ses clients", a-t-il déclaré en conclusion, suscitant des applaudissements dans une salle d'audience où avaient pris place une centaine d'emprunteurs.
Condamnée en première instance le 26 février 2020 à cette amende de 187.500 euros et à payer plus de 100 millions d'euros de dommages-intérêts, BNP Paribas Personal Finance, qui conteste toute pratique frauduleuse et affirme que la chute de l'euro était "totalement imprévisible", a fait appel.
Helvet Immo, destiné à l'investissement locatif défiscalisé, est devenu toxique dans le sillage de la crise financière: l'euro s'est fortement dévalorisé face à la monnaie helvète, ce qui a entraîné une flambée des montants à rembourser.
Ainsi, un couple qui avait emprunté 143.000 euros et déjà versé 57.000 euros sur 83 mensualités, devait encore rembourser 190.600 euros, "une augmentation de 32%" du capital restant dû, a cité en exemple le représentant du ministère public.
"Produit bancal"
Les emprunteurs "faisaient leurs premiers pas dans la finance et dans la défiscalisation", a souligné le magistrat, rejetant l'idée d'un investisseur plus "avisé" qu'un consommateur moyen.
Il a brocardé la "fuite en avant" de l'entreprise, dont les "arguments n'ont pas leur place devant une cour d'appel tant ils sont peu sérieux".
Lors du premier procès, fin 2019, l'accusation avait adopté une inhabituelle position de neutralité.
Cette fois, elle a requis sans ambiguïté la condamnation, soulignant l'importance de plusieurs décisions de la Cour de justice de l'Union européenne, intervenues entre les deux procès, dans le volet civil de cette affaire.
L'avocat général a fait valoir que la banque avait "volontairement dissimulé" le risque de change et le déplafonnement total des mensualités à la fin du contrat si le capital dû n'était pas remboursé.
Relevant que, dans les documents de la banque, la "stabilité du franc suisse" était mise en avant, mais que les mots "risque de change" n'étaient jamais mentionnés, il a insisté sur une phrase: "en toutes circonstances, votre budget est sécurisé".
"Vous avez à vendre un produit très difficile, bancal, qui n'a qu'un seul vrai avantage, c'est un taux d'intérêt très faible. Et pour arriver à commercialiser ce contrat, il faut le commercialiser au plus grand nombre et pour cela masquer tous les risques qu'il comporte", a fustigé le magistrat.
"Les clauses étaient claires"
Dans l'après-midi, les avocats de la défense ont reconnu "entendre" le "préjudice" et la "souffrance" des parties civiles mais ont vivement défendu la bonne foi de la banque.
"La banque n'a jamais rien dissimulé", a affirmé Me Dan Benguigui, pour qui la BNP "n'a pas commis la moindre infraction pénale" en proposant les prêts Helvet Immo dont "les clauses étaient claires".
"Ce que personne n'avait anticipé, c'était l'importance du choc des dettes souveraines", a-t-il avancé pour expliquer la forte variation des taux de change entre le franc suisse et l'euro. Or, "le risque d'aléas du taux de change était clairement explicité" dans les contrats de prêts et "la banque n'a jamais promis la stabilité", a soutenu la défense.
Me Paul Fortin a de son côté fustigé le "fantasme d'une banque omnisciente et trompeuse" dont les salariés auraient "l'intention" d'"arnaquer les clients". "Ce n'est pas la réalité", a-t-il martelé.
"Je voudrais redire les regrets sincères de la banque", a conclu le représentant de la BNP.