"Nous, les copropriétaires, on a vraiment besoin d'aide", appelle Monira Kherief, qui habite "depuis plus de 40 ans" ce quartier durement touché par les émeutes du début de l'été.
Alors que le gouvernement et le monde HLM ont annoncé la semaine dernière un accord prévoyant 1,2 milliard d'euros pour rénover le parc social, certains propriétaires privés se sentent abandonnés.
La résidence de Mme Kherief est située en face d'une aire de jeu "où les dealers viennent le soir, dans le parc, devant les enfants", rapporte-t-elle lors d'une visite des présidents de l'ANRU et de l'Anah, deux agences nationales chargées de la rénovation des immeubles.
Cette habitante se dit lassée de "l'insécurité".
Une barrière a été installée par les habitants "pour éviter que des personnes viennent uriner" devant l'entrée ou le long des buissons, ou pour retrouver moins de "bouteilles d'alcool ou de seringues" dans le jardin, pourtant privé.
De l'extérieur, la façade nécessite un bon rafraîchissement.
"On fait avec les moyens du bord", regrette Mme Kherief, alors que les parties communes de l'immeuble souffrent d'abandon faute de travaux réalisés par la copropriété. Pourtant, "les personnes qui ont des appartements prennent soin" et entretiennent leur logement individuel, assure-t-elle.
"Spirale"
A Borny, 30% des logements font partie de copropriétés privées, soit près de 800 appartements, un chiffre élevé dans un quartier prioritaire.
Si les bailleurs sociaux peuvent décider, rapidement, d'effectuer des travaux dans leur parc, les immeubles privés font face à "une multitude de propriétaires, qui ont une stratégie différente du voisin de pallier ou de l'étage au-dessus et il faut les mettre d'accord", souligne Thierry Repentin, président de l'Anah (Agence nationale de l'habitat).
Selon lui, dans ce type d'habitation, il faut six ans en moyenne entre le moment où un projet de rénovation est soumis à une assemblée générale et la réalisation des travaux.
A ce délai déjà long s'ajoutent des aléas, comme "lorsqu'un propriétaire s'en va (...) et qu'il est remplacé par quelqu'un qui est plus précaire, et que les travaux ne se font pas" : la copropriété devient alors "ingérable".
Des opérations "d'observation, de veille, de repérage des copropriétés dégradées" sont réalisées pour tenter de les sauver avant qu'elles ne tombent "dans une spirale" de délabrement qui affectera également la valeur des biens, souligne Laurent Touvet, préfet de la Moselle.
Reste à charge
Maurice Bertrand, président d'une des copropriétés en passe d'être rénovée grâce à ce concours public, explique que cela n'est pas sans reste à charge pour les propriétaires: entre 3.500 euros pour un F2 et 7.000 euros pour un F6 pour des travaux de sécurisation et de rénovation énergétique.
"C'est financièrement absorbable", mais pas pour tous les ménages, reconnaît M. Bertrand. Ainsi, les "30% les plus modestes" ont effectué une demande de prise en charge auprès de l'Anah, pour ne pas bloquer les travaux.
Sauf que le financement public, "on ne le reçoit que quand les travaux sont terminés", pointe Me Patrice Brignier, administrateur public provisoire de certains immeubles de Borny.
A quelques dizaines de mètres seulement de ces copropriétés, des déchets gisent le long de deux immeubles, très dégradés. L'un d'eux, public, va être démoli.
L'autre, une copropriété privée, doit subir de lourds travaux, mais le bâtiment ne compte pas plus de 75% de logements: l'Anah ne peut pas participer à ce financement.