"On a menacé de brûler ma maison", s'indigne Olivier Lepick, le maire de Carnac (Morbihan), où la polémique née de la destruction dans une zone commerciale de menhirs dont la valeur fait débat, suscite la "consternation".
"On a menacé de me tuer parce que j'étais un vendu", ajoute l'élu (Horizons), qui a reçu l'AFP à son domicile, dans cette commune du littoral breton de 4.200 habitants.
"L'une de mes filles, âgée d'une vingtaine d'années, a même reçu des messages me visant sur son Instagram personnel (...) Je suis en colère de voir ma femme, mes enfants, mis en cause et menacés", dénonce M. Lepick, qui va porter plainte.
L'affaire a éclaté début juin quand Ouest-France a révélé l'existence d'un billet de blog d'un archéologue amateur de Carnac affirmant qu'une quarantaine de petits menhirs avaient été détruits dans un chantier de construction d'un magasin de bricolage.
Plusieurs médias ont ensuite "repris sans vérifier en illustrant ce reportage avec les images des alignements", fustige le maire.
Des médias, dont l'AFP, ont utilisé des photos des fameux alignements, ce qui a selon lui contribué à entretenir la confusion avec les petits menhirs détruits dont la valeur archéologique ne pourra plus être établie.
Mondialement connu, ce site mégalithique classé au Centre des monuments nationaux regroupe près de 3.000 menhirs. Une demande d'inscription au Patrimoine mondial de l'Unesco devrait être déposée fin 2023, selon la ville de Carnac.
Réagissant à l'émotion suscitée par cette affaire, la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) de Bretagne a souligné le "caractère encore incertain et dans tous les cas non majeur des vestiges" trouvés lors des fouilles préventives de 2015.
Le maire avait attesté de son côté avoir "parfaitement respecté la législation" et invoqué lui aussi "la faible valeur archéologique" des pierres retrouvées.
Mais cela n'a pas suffi à apaiser la situation et l'église Saint-Cornély, datant du XVIIe siècle, a été taguée dans la nuit de samedi à dimanche.
"Tout raser comme les menhirs", pouvait-on encore lire sur la façade d'entrée de l'édifice lundi. L'inscription, à demi-effacée, suscite la curiosité de certains passants ou touristes qui s'arrêtaient pour la prendre en photo.
"Cela va très loin"
"Je trouve que le maire a fait une très grave erreur. Evidemment, cela ne justifie jamais les menaces de mort et le fait qu'il soit sous protection, cela va très loin", déplore auprès de l'AFP Agathe Lecoulant, étudiante en sciences politiques de 21 ans, qui visite le sud de la Bretagne avec une amie.
Le préfet du Morbihan Pascal Bolot, qui s'est rendu à Carnac dimanche, a également condamné "ces agissements ainsi que les comportements inacceptables dont l'élu et sa famille sont victimes", dans un communiqué de presse.
Ce document a même été scotché sur le panneau d'affichage du permis de construire, en règle, du magasin de bricolage.
"C'est scandaleux, les menaces qui ont été faites au maire, les tags sur l'église. Je suis écoeuré par ce genre de choses", se désole de son côté Christian Obeltz, l'auteur du billet de blog, à l'origine d'un emballement médiatique qui a suscité beaucoup d'incompréhension.
"Il y a eu un vice de forme, je ne sais pas qui c'est, mais je n'ai accusé ni la mairie, ni la Drac, ni l'architecte des Bâtiments de France", rappelle l'archéologue amateur.
Deux petits partis autonomistes bretons, le Parti Breton et l'Union démocratique bretonne (UDB), ainsi que le député Les Républicains (LR) des Côtes-d'Armor Marc Le Fur ont réclamé une enquête pour définir les responsabilités.
"On saura peut-être de cette façon quel est le dysfonctionnement", indique Christian Obeltz. De son côté, le maire de Carnac espère que cette affaire permettra "un renforcement des contrôles" sur les sites qui pourraient abriter des vestiges archéologiques.
"On ne sait pas s'il s'agissait de menhirs et on ne le saura jamais malheureusement, car au terme de cette bourde administrative, le site archéologique a été détruit", précise Olivier Lepick.