Si le financement reste le nerf de la guerre, un autre enjeu est au cœur de la transition : la disponibilité des données pour évaluer et améliorer la performance énergétique des bâtiments.
Représentant près de 45% de la consommation d’énergie et près de 25% des émissions carbone, le secteur français du bâtiment est un enjeu central dans la lutte contre le changement climatique et la réduction des émissions carbone. La dernière réglementation en date, la RE2020 (dont la mise en œuvre a commencé le 1er janvier 2021), a défini des objectifs ambitieux en termes de de conception, de confort et performance énergétique, avec pour cap la neutralité carbone des bâtiments d’ici 2050.
Pour atteindre ses objectifs, la RE2020 comporte plusieurs échéances – la prochaine arrive en 2025 – qui imposent aux bâtiments de respecter des niveaux progressifs d’efficacité énergétique, calculés en fonction des « indices Bbio » (besoin bioclimatique du bâtiment).
Constructions neuves et rénovation de l’ancien : une transition coûteuse
Si la RE2020 concerne en premier lieu les bâtiments neufs, elle vise aussi à inciter à la rénovation thermique de l’immobilier l’ancien. Il y a un travail immense de mise en conformité de l’ancien, mais ces travaux de rénovation ont un coût qui peut être prohibitif pour les bailleurs.
De plus, certaines complexités de l’ancien obligent à recourir à des matériaux ou des technologies certes très efficaces, mais aussi très coûteuses. A Paris, par exemple, il n’est pas possible d’isoler par l’extérieur les nombreux bâtiments haussmanniens dont les façades sont protégées. Des solutions alternatives existent, comme les verres intelligents, mais elles coûtent très cher.
Qu’il s’agisse des travaux d’isolation, des équipements de chauffage et de climatisation, ou encore des matériaux biosourcés, la capacité à investir reste et restera l’enjeu central de l’objectif de neutralité carbone des bâtiments.
Il ne s’agit toutefois pas du seul enjeu. Car on aura beau définir les objectifs d’empreinte carbone, de performance énergétique et d’économie circulaire les plus ambitieux, ils resteront des vœux pieux si l’on ne dispose pas des données nécessaires pour les mesurer et les atteindre.
Le processus BIM est-il une réponse efficace ?
La transition numérique de la filière du bâtiment est-elle également synonyme de transition environnementale ? Dans la mesure où le concept de « bâtiment intelligent » est intimement lié à l’amélioration des performances énergétiques, la réponse est oui. Mais pour rendre les bâtiments et les ouvrages intelligents, il faut de l’information disponible et partagée tout au long de leur cycle de vie.
Le BIM, qui fait l’objet d’un plan gouvernemental (Plan BIM 2022), est justement censé couvrir toutes ces phases : conception, réalisation et maintenance. Dans les faits, il est surtout utilisé pour la conception. La réalisation reste traditionnelle et le restera sans doute encore longtemps, en raison du très grand nombre d’acteurs de toutes tailles (98% étant des sociétés de moins de 50 salariés). La maintenance – qui englobe la rénovation et la réutilisation et/ou le recyclage des matériaux des bâtiments en fin de vie – est une partie déterminante (qui plus est pour les bâtiments anciens) qui exige encore beaucoup de progrès en termes de numérisation.
Ce qui compte dans le processus BIM, c’est le « I » (l’information) et non le « M » (la modélisation). Cette information est d’autant plus importante qu’elle concerne non seulement les données génériques des matériaux et produits de construction (caractéristiques, critères de qualité auxquels ils répondent), mais également les données réelles (empreinte carbone, performances réelles, etc.). Car ce sont ces dernières qui vont permettre, à terme, de mesurer – et non simuler – la performance globale des ouvrages.
Pour permettre aux acteurs de la filière de mieux travailler ensemble et de relever les défis environnementaux, il est donc essentiel de pouvoir collecter l’ensemble de ces données, et de le faire de manière structurée et normalisée avec un modèle commun, comme par exemple le dictionnaire de données Define. Le BIM fournit les données génériques, tandis que les données réelles seront plutôt fournies par le jumeau numérique. Ce dernier s’appuie notamment sur l’IoT pour remonter les données réelles et compléter les informations de base du processus BIM.
Le processus BIM est-il une réponse efficace pour atteindre les objectifs ambitieux définis par la RE2020 et au-delà ? Oui, à condition de disposer du plus important : la data.
Tribune de Roland Dominici, Directeur général CoBuilder France (Linkedin).