La loi "Climat et résilience" de 2021 vise le "zéro artificialisation nette des sols" (ZAN) en 2050, avec pour objectif intermédiaire la réduction de moitié de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) d'ici 2031.
Plus de 20.000 hectares sont artificialisés chaque année en France, soit près de cinq terrains de football par heure, ce qui participe à l'effondrement de la biodiversité, perturbe le cycle de l'eau et réduit le stockage de carbone.
Les nouveaux décrets tiennent compte de la loi adoptée le 20 juillet pour faciliter la mise en oeuvre du ZAN.
Le premier porte sur la nouvelle nomenclature des sols, qui définit quel sol est considéré comme artificialisé ou non, et à partir de quelle surface.
Les surfaces "végétalisées à usage de parc ou jardin public" ne sont pas considérées comme artificialisées, de même que les surfaces végétalisées sur lesquelles seront implantés des panneaux photovoltaïques.
En revanche, les surfaces "végétalisées herbacées à usage résidentiel" sont considérées comme artificialisées.
Dans un communiqué, le ministère rappelle que cette nomenclature ne s'applique "pas aux objectifs de la première tranche de dix ans (2021-2031)".
Les communes et intercommunalités devront réaliser tous les trois ans un rapport de suivi de l'artificialisation des sols.
Le deuxième décret porte sur la déclinaison de ces objectifs sur le terrain, dite "territorialisation", qui tient compte de la spécificité des communes de montagne ou des communes littorales confrontées au recul du trait de côte.
Il tient également compte des efforts passés et de la "garantie communale", sorte de "droit à construire" d'au moins un hectare, attribué aux communes, et mutualisable avec d'autres.
Les bâtiments dédiés aux activités agricoles font également l'objet d'un décompte à part tandis que la consommation d'espaces résultant de projets d'envergure régionale peut être mutualisée au niveau régional.
Le troisième décret instaure une commission régionale de conciliation.
Ces décrets ont été préparés de concert avec les associations d'élus, notamment l'Association des maires de France, qui avait attaqué en juin 2022 les deux décrets d'application de la loi Climat, jugeant qu'ils avaient été publiés sans étude d'impact et dans une approche de "recentralisation rigide". L'association avait obtenu en partie gain de cause devant le Conseil d'Etat.
"Nous conservons une ambition forte tout en entendant les préoccupations des élus locaux sur les modalités concrètes", a estimé mardi le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu, cité dans le communiqué.
Un rapport pointe le rôle clé de l'habitat
La construction de logements est le principal facteur d'artificialisation des sols, avec 63% des espaces consommés entre 2011 et 2021, selon deux notes consacrées à l'objectif "zéro artificialisation nette" des sols (ZAN), publiées mardi par France Stratégie.
Sur les vingt dernières années, 80% de cette artificialisation s'est effectuée sur des terres agricoles.
Dressant un panorama de l'artificialisation, l'organisme gouvernemental d'analyse prospective relève des "dynamiques inégalement réparties" géographiquement, les territoires situés autour des métropoles ou sur le littoral atlantique étant beaucoup plus consommateurs d'espaces. Mais ils concentrent aussi plus d'habitants et d'emplois.
Les auteurs font état d'une poursuite de l'artificialisation, qui est toutefois passée de "30.000 hectares par an sur la période 2009-2011 à environ 20.000 hectares depuis 2015".
L'habitat est de loin le premier facteur d'artificialisation. Les opérations peu denses, de moins de huit logements par hectare, sont même "responsables à elles seules de 51% de la consommation d'espaces" entre 2011 et 2021.
A consommation foncière équivalente par logement neuf, la baisse attendue de la croissance démographique devrait toutefois "permettre de réduire la consommation d'espaces pour l'habitat d'environ 17% entre 2021 et 2031 par rapport à la décennie précédente", prévoit France Stratégie.
Les marges de progression dans la lutte contre l'artificialisation sont encore fortes. Sur la décennie passée, 60.000 hectares auraient pu être économisés notamment dans les communes ayant perdu des ménages, ce qui correspond à 26% des hectares consommés sur la période, relève cette première étude.
Le niveau de consommation, en cumulé, d'espaces naturels sur la dernière décennie semble par ailleurs "davantage lié à la somme de petits projets dans des communes rurales qu'à de grands projets en milieu urbain".
Les centres urbains intermédiaires ont proportionnellement consommé le plus d'espaces, "avec une valeur médiane de 22 ha/an/commune quand les grands centres urbains ont consommé environ 9 ha/an/commune en valeur médiane et les communes à habitat dispersé et très dispersé environ 2 ha/an/commune".
Dans une seconde note consacrée aux stratégies régionales, l'organisme public rappelle que les régions ont jusqu'à novembre 2024 pour intégrer leur objectif de sobriété foncière dans leur schéma régional d'aménagement (Sraddet).
Toutes les régions se sont emparées du sujet, certaines proposant une réduction de l'artificialisation "moindre" pour les territoires dynamiques en matière d'emplois et de ménages, tandis que d'autres ont choisi un rééquilibrage territorial en demandant une réduction inférieure aux territoires peu dynamiques par le passé.