L'objectif ZAN issu de la Convention citoyenne pour le climat et de la loi Climat de 2021 ambitionne de réduire de moitié, d'ici à 2031, le rythme de consommation d'espaces naturels et agricoles par rapport à la décennie précédente, soit 125.000 hectares, puis de stopper toute "artificialisation nette" à horizon 2050. A cette date, l'ensemble des hectares qui seront artificialisés devra égaler le volume des surfaces renaturées.
Il s'agit donc de freiner le rythme de grignotage des sols naturels par la ville. Mais s'il y a consensus politique sur ces objectifs, les décrets d'application sortis au printemps dernier ont suscité une fronde des élus locaux, qui dénoncent une incohérence par rapport à l'esprit de la loi et redoutent une mort à petit feu des communes rurales.
"L'objectif de notre proposition de loi n'est pas de détricoter le ZAN mais de le réussir. On a tout fait pour rester dans la trajectoire et ne pas voter des dérogations à l'infini", a réagi auprès de l'AFP le rapporteur LR Jean-Baptiste Blanc, pour qui le texte est "l'expression d'une grande colère dans les territoires".
Parmi les mesures adoptées, le texte fait tomber le mandat donné aux régions de fixer de manière contraignante l'enveloppe des hectares à artificialiser dans les collectivités de plus petite taille. Il renforce également la présence d'élus communaux dans les instances chargées du suivi de l'application du ZAN.
Pour préserver la capacité du pays "à réaliser les grands projets de demain", les sénateurs font sortir les projets d'envergure nationale (prisons, ports, centrales nucléaires, etc.) des enveloppes régionales pour les inclure dans une "enveloppe nationale" de droits à artificialiser.
Point de crispation des maires ruraux, le "droit à construire" des petites communes ayant peu consommé de foncier jusqu'à présent est garanti pour chaque commune au travers d'une enveloppe d'un hectare de "surface minimale de développement communal".
"Détricotage très maladroit"
Considérés jusqu'à présents comme des surfaces artificialisées, les jardins, parcs ou pelouses ne le sont plus dans le texte sénatorial, afin d'"inciter les constructeurs à préserver des îlots végétaux", et pour "ne pas pénaliser la renaturation".
Interrogé par l'AFP, le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu rappelle qu'"en 50 ans, la France a plus artificialisé qu'en 500 ans".
Il souligne également que le gouvernement est lui aussi favorable à une "garantie" pour un "droit à construire" des communes rurales ainsi qu'à la sortie des "grands projets nationaux" de l'enveloppe imputable aux régions qui les accueillent. De leur côté, les sénateurs se plaignent de ne pas être associés à la définition de cette liste de grands projets.
Si M. Béchu reconnaît des "évolutions positives" dans le texte, comme la possibilité donnée aux maires de suspendre des permis de construire qui contreviendraient aux objectifs du ZAN, il fait aussi état de lignes "rouges écarlates" comme l'exclusion des surfaces végétalisées à usage résidentiel des décomptes.
"Cela signifie potentiellement que vous pouvez grignoter la campagne sans commune mesure avec ce que nous avons fait jusqu'à maintenant", estime-t-il, jugeant que "la porte a été ouverte trop largement à l'artificialisation avec trop d'exemptions sous couvert de souplesse".
Interrogée, l'Union nationale des aménageurs (Unam) s'est, elle, inquiétée de l'impact d'une loi "qui bloque fortement la capacité à construire du logement, déjà fortement mise à mal par l'inflation", disant redouter une "bombe sociale".
De son côté, France nature environnement (FNE) critique vivement un "détricotage très maladroit des objectifs de la loi au nom des maires ruraux". "Si les objectifs régionaux ne sont pas contraignants, cette loi ne sert à rien. C'est comme si on avait une loi nationale et que les autorités locales avaient toute liberté de faire ce qu'elles veulent", a estimé Michel Jacod, membre de FNE.
Le texte doit encore être soumis à l'Assemblée nationale, où des députés Renaissance avaient présenté mi-février leur propre proposition de loi pour un meilleur accompagnement des élus locaux.