Ecoeurée, Hélène Zanier regarde les arbres gigantesques "tomber comme des allumettes". "C'est un crime contre le climat, contre la beauté", souffle la présidente du collectif des Amis de la forêt de la Corniche des forts, qui organise dimanche une "grande marche", avec le soutien de députés LFI et d'élus écologistes au conseil régional d'Ile-de-France.
Au coeur de la Seine-Saint-Denis, sur d'anciennes carrières de gypse fermées au public depuis 1965, une végétation foisonnante, enchevêtrement d'arbres, de lianes et de ronces, s'est développée de manière anarchique sur un relief accidenté.
Son aménagement en base de loisirs, à l'étude depuis une vingtaine d'années, a été entériné par la présidente LR de la région, Valérie Pécresse, qui s'est rendue fin septembre sur place pour visiter le site et présenter "un nouveau projet" de "promenade écologique" pour un coût de plus de 12 millions d'euros - l'un des plus importants chantiers pour la région Ile-de-France.
En 2020, le site devrait notamment accueillir une prairie "solarium", des jeux pour enfants et des agrès sportifs, mais aussi un poney-club et de l'accrobranche. Pour sécuriser le site, officiellement interdit d'accès mais fréquenté par des promeneurs, les carrières doivent être comblées mais 20 hectares de bois seront "sanctuarisés" pour préserver ce "poumon vert", promet la région.
"Le projet a 20 ans et, parmi les opposants, il y a des élus verts qui ont voté celui de l'ancienne majorité socialiste, qui était beaucoup moins respectueux", s'emporte Patrick Karam, vice-président chargé de la Jeunesse et des Sports. Agacé par la "mauvaise foi totale" des détracteurs du projet, l'élu régional rappelle que "tous les élus locaux", verts et socialistes compris, le soutiennent.
Un "Trésor unique"
Ancien conseiller régional EELV, Pierre Mathon admet avoir voté l'ancien projet "pour lutter contre l'urbanisation". A l'époque, c'était "le seul outil à notre disposition". Mais "la conscience écologique est passée par là" et le projet a beau avoir été amélioré par le nouvel exécutif régional, il reste fondamentalement "dépassé" à ses yeux.
"A l'heure où le GIEC (groupe d'experts sur le climat de l'ONU) nous promet un futur apocalyptique", "le projet porté par la Société du Grand Paris et la région Ile-de-France semble complètement anachronique", abondent les députés LFI Sabine Rubin et Bastien Lachaud dans un communiqué également signé par la conseillère de Paris Danielle Simonnet.
Les élus écologistes au conseil régional regrettent eux aussi "la suppression de 2.000 arbres pour installer une grande pelouse en lieu et place de cette riche forêt urbaine".
"Le trésor est assez unique en couronne parisienne", confirme à l'AFP le paysagiste Gilles Clément. Pour ne pas abîmer cette "composition originale", il suggère une "promenade en surélévation, un travail très délicat", qui éviterait d'avoir à combler les carrières.
Sur les huit hectares concernés par le projet, "seuls 4,3 seront accessibles au public. Le reste sera visible depuis une passerelle de 1,3 km installée au niveau de la canopée des arbres", promet justement Patrick Karam.
Pas question pour autant de renoncer à injecter du béton pour "sécuriser" les anciennes carrières. L'autorité environnementale, qui a rendu un avis favorable au projet, a émis des réserves sur les écoulements d'eaux pluviales.
L'État a lui aussi donné son feu vert, en accordant une "dérogation pour autoriser la destruction d'espèces protégées". Car si la forêt sert de refuge à des oiseaux rarement visibles à deux pas de Paris, "l'enjeu écologique (en termes de biodiversité) est néanmoins moyen", résume l'autorité.
"On apporte de la respiration et on permet à ceux qui n'ont pas d'espace vert de venir se détendre", plaide Patrick Karam.
"Les gens bénéficient déjà de cet îlot de rafraichissement !" s'insurge de son côté Hélène Zanier en donnant du "vandales" à l'adresse des tractopelles.