Le 2 octobre 2020, un déluge s'abat sur l'arrière-pays de Nice et Menton, provoquant des crues dévastatrices dans les vallées de la Vésubie, la Roya et la Tinée. Des tonnes de terre, matériaux et autres arbres dévalent les lits des rivières, emportant tout sur leur passage.
Bilan: dix morts, dont le capitaine de sapeurs-pompiers Bruno Kohlhuber, 49 ans, emporté aux premières heures de la catastrophe avec un jeune pompier volontaire, Loïc Millo ; huit personnes toujours portées disparues ; et des dégâts d'au moins un milliard d'euros.
"Le mariage diabolique de la tempête Alex avec un phénomène méditerranéen": c'est ainsi que Xavier Pelletier, préfet délégué chargé de la reconstruction des vallées, contraint de remonter à la guerre de 39-45 pour constater de tels ravages matériels, décrit cet apocalypse.
Routes, eau, électricité et télécommunications coupées, maisons détruites ou menaçant de s'effondrer: les quelque 13.000 habitants des trois vallées se retrouvent totalement démunis, certains ont tout perdu. "Pendant 48 heures on a été coupés du monde, puis on a été enfermés pendant des mois", témoigne Jean-Pierre Vassalo, le maire de Tende, auprès de l'AFP.
"Enfermés pendant des mois"
"Il a fallu aider des habitants qui n'avaient plus que les vêtements qu'ils portaient sur eux. Ils n'avaient plus de maison, plus de voiture, plus aucun papier", explique Jean Stellittano, responsable local du Secours Populaire. La priorité est alors de reloger ceux qui n'ont plus de toit, soit quelque 800 personnes.
Un an plus tard, 135 ménages sont encore hébergés de façon provisoire. Et "nous commençons à voir arriver de nouveau des sinistrés sans solution" d'hébergement, souligne ce militant associatif: "Il y a une grande détresse chez beaucoup, d'autant que la saison estivale n'a pas été à la hauteur pour ceux qui vivent du tourisme ou de l'agriculture. La reconstruction psychologique aussi sera très longue".
Au lendemain de la catastrophe, un vaste élan de solidarité se met en place. La métropole Nice Côte d'Azur recueille environ 2 millions d'euros, le département 2,7 millions. Le chanteur Julien Doré lance une tombola qui permet de récolter 930.000 euros au profit du Secours populaire.
Un an plus tard, l'activité a partiellement repris. "Grâce à une grange de famille, j'ai pu recréer mon entrepôt, car j'ai tout perdu", témoigne, au bord des larmes, Jean-François Roux, patron d'une entreprise de maçonnerie à Saint-Martin-Vésubie, devant sa maison détruite: "On a mis quatre à cinq mois pour racheter du matériel, se relever et repartir, mais aujourd'hui on travaille quasiment dans des conditions normales".
Hélène Rey, elle, n'a toujours pas rouvert ses deux supérettes à Breil-sur-Roya, tant l'offre de l'assurance était "ridicule".
Comme l'ouragan Irma
L'estimation globale des dégâts fait débat.
750 millions d'euros pour les équipements publics non assurés sur l'ensemble des trois vallées, selon le préfet Pelletier. Au moins 800 millions pour la Vésubie et la Tinée seulement, rétorque Christian Estrosi, président de la Métropole, à laquelle appartiennent ces deux vallées: "Nous ne sommes pas d'accord avec les évaluations des services de l'Etat", assène à l'AFP le maire de Nice.
A cela s'ajoutent les 217 millions d'euros de dégâts assurés concernant les particuliers (habitations, voitures...) et les professionnels.
Au total, selon la Préfecture, 85 km de routes ont été impactés, 20 ponts détruits ou rendus inutilisables. Quant aux habitations, sur 2.500 maisons expertisées, 420 ne pourront pas être réhabitées.
"Nous avons comparé la catastrophe à l'ouragan Irma", qui avait balayé les îles françaises de Saint-Barthélémy et Saint-Martin en 2017, confie Pascal Dassonville, directeur régional d'Enedis, qui continue à reconstruire 50 kms de son réseau électrique.
Pressé par des élus qui estimaient les aides trop limitées et trop lentes, le président Emmanuel Macron a annoncé en juin une augmentation des fonds alloués, ordonnant à ses ministres de lever les blocages administratifs.
L'enveloppe globale des aides publiques atteint désormais 572 millions d'euros, dont 59 millions de l'Union européenne. Et M. Pelletier l'assure: "L'essentiel de la reconstruction aura lieu d'ici la fin 2022". "En un an, c'est incroyable ce qui a été fait, mais ce sont des travaux colossaux", confirme M. Vassalo, à Tende.
Un an après le cauchemar, un hameau reste encore isolé, celui de Casterino, dans la Roya. A 6 kms du but, la route a disparu.