Francis Rambert est le commissaire de ce focus sur des projets pensés pour maintenir les anciens au cœur de la ville ou du village.
Question : En 2060, plus de 17% de la population en France aura plus de 75 ans, contre 9,5% actuellement selon l'Ined. Comment répondre au défi du vieillissement de la population et de la gérontocroissance ?
Réponse : Chez les plus de 80 ans, 83% sont autonomes, et dans les 17% restants, seuls la moitié sont dans des Ehpad. Avec cette exposition, nous défendons la thèse qu'il est possible de rester chez soi le plus tard possible dans un bon logement, quelle que soit sa taille.
La question du bien vieillir ensemble pose celle de l'insertion des anciens dans la ville. Comment ne pas faire de ghettos de vieux ? Il s'agit de réfléchir autrement la question du logement.
Les architectes savent justement élaborer des projets de vie avec un espace qui soit le plus vivable possible et soit autre chose qu'un couloir qui distribue des chambres.
A Barcelone, à 300 mètres de la cathédrale gothique, il existe une résidence pour personnes âgées conçue dans le cadre de la transformation d'un marché, un projet qui illustre la détermination d'une ville à dire : nos personnes âgées méritent encore plus d'attention".
Q- L'urbanisme des grands ensembles en France permet-il cette adaptation au 4e âge ?
R- Dans les Trente Glorieuses, il fallait rééquiper la France, il y avait une demande de logements énorme et donc on a construit très vite. L'entretien de ces grands ensemble peut poser question, de même l'espace public parfois un peu oublié ou mal traité. Mais certains ensembles marchent très bien, comme le prouve la réhabilitation du quartier du Grand Parc à Bordeaux.
Une structure a été bâtie en plus devant le bâtiment existant, ce qui a agrandi les logements. Il y reste des personnes âgées déjà présentes au moment de la construction dans les années 60.
Il n'est pas besoin de mettre ces personnes dehors au motif que leurs logements sont soit-disant devenus obsolètes.
Le fait de ne pas démolir fait que vous pouvez hériter d'une situation que vous améliorez. On peut reconquérir dans un paysage bâti un espace pour créer des conditions sociales du vivre ensemble. Le patrimoine existant est transformable, ce qui a également été le cas par exemple de la Grande poste à Strasbourg (réhabilitée notamment en bureaux et résidence pour seniors).
Q- Le logement collectif est-il la solution ?
R- Certains ne veulent pas vivre seuls ou n'ont plus envie de vivre dans des grands appartements. L'architecture doit s'adapter à cela.
A Maisons-Alfort, la ville a décidé d'implanter un équipement pour les anciens au cœur de la ville, au milieu d'un parc lui-même entouré d'un urbanisme des années 60, fait de tours et de barres. Dans le bâtiment, les parties communes sont dilatées pour que les couloirs deviennent des lieux où vous avez envie de vous asseoir et discuter avec les voisins.
Il est possible aussi d'adapter des sites parfois très urbanisés. Ainsi dans le XVe arrondissement, à Paris, dans une ancienne friche industrielle avec des tas de logements autour, trois programmes différents s'articulent : une résidence sociale pour des femmes battues, un équipement pour la petite enfance et un Ehpad. Chacun vit dans des temporalités différentes mais ils peuvent se rencontrer. Cela fait aussi vivre le quartier.
La mixité est de mélanger les générations à toutes les échelles, comme à Nancy où, dans un petit bourg, un bâtiment existant et délaissé a été transformé en trois appartements pour des personnes âgées et deux pour des familles plus jeunes. La mixité générationnelle et le dialogue sont donc tout à fait possibles.