Pourquoi a-t-elle été suspendue ?
Au soir du 1er tour, dimanche, le Premier ministre Gabriel Attal a décidé de "suspendre la mise en œuvre de la réforme de l'assurance chômage", qualifiée d'"indispensable" mi-juin par le président de la République Emmanuel Macron.
La réforme, qui prévoyait un nouveau tour de vis des règles d'indemnisation au 1er décembre, n'est pas enterrée mais pourra "faire l'objet d'aménagements, de discussions entre forces républicaines", selon l'entourage de M. Attal.
Cette décision, saluée à gauche comme au RN, a été présentée comme un "premier acte" du Premier ministre "dans l'esprit des futures majorités de projets et d'idées", à l'issue des législatives.
La CFDT considère que la prolongation des règles actuelles équivaut à un "abandon" d'une "réforme injuste, qui visait d'énormes économies réalisées sur le dos des seuls demandeurs d'emploi", selon un communiqué.
Pour Michel Beaugas (FO), en suspendant, "ils donnent un coup de main aux députés Renaissance qui vont être au deuxième tour". Mais "la ficelle est un peu grosse", car s'il y a une majorité pour le président de la République, la réforme passera. "L'abrogation pure et simple du décret aurait été plus simple", dit-il.
"C'est une mauvaise réforme. Elle devait être annulée, point", abonde Cyril Chabanier (CFTC).
Quelles conséquences immédiates ?
Pour permettre aux chômeurs de continuer à être indemnisés, le gouvernement a publié lundi un "décret de jointure" qui prolonge les règles actuelles jusqu'au 31 juillet.
Pourquoi ne prolonger que pour un mois ? C'est sans doute lié "à des sacrées tensions au sein du gouvernement", estime Denis Gravouil, le négociateur CGT sur l'assurance chômage. Il relève notamment que Bruno Le Maire s'accroche "comme la moule sur le rocher à ce décret", alors que le ministre de l'Economie a réaffirmé lundi sa conviction qu'il fallait "poursuivre la réforme".
Le décret de jointure d'un mois, "c'est ridicule", a réagi François Hommeril de la CFE-CGC. "On sera en plein Jeux olympiques ! (...) Ça en dit long sur l'impréparation et l'amateurisme de cette affaire", estime-t-il.
Quelles suites possibles ?
A minima, "il y aura une prolongation (des conditions actuelles, NDLR) entre le 1er août et le 30 novembre parce que pour des raisons opérationnelles, France Travail n'est pas en mesure de changer les règles avant le 1er décembre", observe Denis Gravouil.
"La grosse question, c'est que se passe-t-il à partir du 1er décembre ? (...) Il y a une épée de Damoclès qui pèse sur la tête des chômeurs", dit-il.
"Pour nous, ça exige de rouvrir une négociation avec un décret de jointure qui maintienne les droits jusqu'à la fin de l'année", selon le négociateur CGT.
"Un nouveau gouvernement peut nous demander de rouvrir une négociation" sur la base d'une nouvelle "lettre de cadrage", note Michel Beaugas. Mais il faut du temps, donc il faudra "proroger de nouveau le décret de jointure", même si juridiquement, "c'est un peu bancal depuis un moment".
Selon lui, "on laisse les 2,5 millions de demandeurs d'emploi qui sont indemnisés dans l'incertitude".
"Ce qu'on pourrait imaginer être fait d'ici la fin juillet, en un mois, c'est un plan d'action" pour rouvrir des négociations entre partenaires sociaux en septembre, affirme Eric Chevée, de la Confédération des PME.
Pour le Medef cette réforme "était nécessaire" et "quoi qu'il arrive et d'une manière ou d'une autre, il faudra y revenir", a déclaré à l'AFP son négociateur Hubert Mongon.
Et si le RN a la majorité absolue ?
Le Rassemblement national (RN) s'est engagé à revenir sur cette réforme. S'il a la majorité absolue dimanche soir, il aura la main pour changer les règles à sa guise.
"Les partenaires sociaux devront négocier et faire des propositions", a précisé lundi à l'AFP le député sortant RN Jean-Philippe Tanguy.
Toutefois, de la part du RN, "on n'a pas entendu de projet sur l'assurance chômage, donc on ne sait pas", relève Michel Beaugas pour FO.
"On ne peut pas leur faire confiance vu que chaque fois ils ont voté contre les chômeurs, (pour) toutes les mesures de durcissement qui ont conduit au décret de 2023", la précédente réforme, note Denis Gravouil.