Inspiré du système de "kots à projets" de nos voisins belges, et exporté en France en 2010, les "kaps" pour "kolocation à projets solidaires" sont en constante augmentation. Le nombre de colocataires, appelés "kapseurs et kapseuses", est passé de 28 en 2010 à près de 900 à la rentrée universitaire 2021.
Les étudiants sont sélectionnés sur dossier selon leur degré de motivation et doivent répondre à quelques critères : être âgé de 18 à 30 ans, être étudiant, en formation alternée ou en service civique et consacrer près de 5 heures par semaine à des actions solidaires.
À Paris, où une personne sur dix suit des études supérieures, les places en "kaps" sont chères. "Il y a 140 places et nous avons reçu près de 2.000 demandes chaque année", raconte Olympe Langelot, déléguée territoriale à l'Afev chargée des "kaps" parisiennes.
À l'échelle nationale, les "kapseurs" sont répartis dans plus de 33 villes et 69 quartiers prioritaires où ils prennent part à plus de 300 actions solidaires, selon le dernier bilan "kaps" 2019-2020.
Les loyers proposés sont attractifs - avec un coût moyen s'élevant à 230 euros (hors APL) - mais cet argument financier n'a pas été le seul à peser dans la balance pour Zoé Lemaire, étudiante en art appliqué de 23 ans et "kapseuse" pour la première fois cette année à Paris.
"Ça faisait surtout longtemps que je voulais m'engager sur le long terme, tout en poursuivant mes études", raconte la jeune femme, habituée à vivre en collectivité. Avec les "kaps", elle a trouvé le moyen de faire "une pierre trois coups" entre un logement abordable, une vie en coloc' et une activité solidaire.
"Mixité sociale"
Ce modèle de colocations s'inscrit dans l'une des priorités de l'Afev: la lutte contre les inégalités.
L'association poursuit un double objectif, répondre au besoin de logement des étudiants tout en contribuant à la mixité sociale dans les quartiers prioritaires.
Le programme permet aux étudiants de s'investir dans divers projets au coeur des quartiers auprès d'acteurs de terrain parfois en manque de bénévoles pour "améliorer le cadre de vie et créer du lien": du soutien scolaire à la création de jardins partagés en passant par la lutte contre l'isolement des seniors ou l'accompagnement de personnes transgenres dans leur quotidien etc.
Diop Papa Souleymane, 24 ans, est un "kapseur" aguerri. Depuis 2018, il accompagne des écoliers et collégiens de son quartier du XVIIIe arrondissement de Paris dans leurs devoirs et organise des activités culturelles.
"Le fait d'avoir des personnes extérieures avec une autre vision du monde leur permet de s'ouvrir culturellement et d'accéder à d'autres informations", explique l'étudiant en master de sociologie.
Les "kapseurs" vivent et initient des projets concrets dans des quartiers souvent associés à la drogue et à l'insécurité. Pour eux, "qui ne sont pas issus de ces milieux", souligne Joëlle Bordet, chercheuse émérite et psychosociologue, c'est une "véritable épreuve de réalité" qui "permet une rencontre positive avec les quartiers populaires".
Auteure d'une évaluation nationale des "kaps" entre 2015 et 2017, Mme Bordet voit d'un bon oeil le dispositif mais réclame plus d'investissement de l'Etat. Pour elle, "les associations n'ont plus les moyens à la hauteur des travaux qu'elles portent".