L'événement, qui attirera des millions de visiteurs, est l'objet depuis des mois d'un intense lobbying des trois candidats. Lors de la présentation des dossiers en juin dernier à Paris étaient présents le prince héritier d'Arabie saoudite, le président sud-coréen et la Première ministre italienne.
Les expositions universelles, ces "méga-événements" appréhendés "comme une machine pour tirer la croissance et pour renforcer l'influence", permettent de forger une "image politique" internationale, estime le sociologue Patrick le Galès, directeur de recherche au CNRS et à Sciences Po.
Le Bureau international des expositions (BIE) doit déterminer l'heureux gagnant mardi après-midi lors d'un vote à bulletin secret.
La candidature saoudienne, la plus controversée, vante "des paysages naturels de niveau mondial", "l'exposition la plus durable", "la première exposition carbo-négative", dans un pays pourtant aride, parmi les premiers producteurs de pétrole au monde et l'un des premiers émetteurs de gaz à effet de serre par habitant.
Du "greenwashing à grande échelle", observe M. le Galès, pour qui ce genre d'événement sert avant tout à "valoriser les élites en place".
"Si l'Arabie saoudite gagne, MBS (Mohammed ben Salmane, le prince hériter, NDLR) sera super content. Ca validera sa stratégie" de promotion du pays par de grands évènements, poursuit-il, l'Arabie saoudite étant par ailleurs bien partie pour accueillir la Coupe de monde de football 2034.
Mais 15 ONG de défense des droits humains ont appelé mardi dernier les 179 Etats membres du BIE à "ne pas voter" pour Ryad : "en offrant une plateforme mondiale à un régime qui a l'habitude de violer les droits humains fondamentaux (...), la communauté internationale risque d'envoyer un message tacite selon lequel de telles actions sont acceptables", estiment-elles.
Téléphone et ketchup
Autre candidat à l'Expo-2030, Busan, dont le président sud-coréen est un fervent supporteur. Yoon Suk Yeol avait garanti en juin "la meilleure Exposition universelle de tous les temps". Il s'est encore rendu à Paris ces derniers jours pour appuyer ce projet.
L'équipe sud-coréenne promeut une "harmonie de nature, humanité, technologie", "une plateforme d'idéaux pour les générations futures" bâtie sur un ancien port industriel de Busan transformé en "lieu de vie durable", où de petits ilots flottants seront également édifiés.
"L'Expo-2030, c'est l'occasion de mettre vraiment au centre du monde la Corée" du Sud, un Etat "dynamique" qui "cherche à s'affirmer", traduit le sociologue Patrick le Galès.
L'Italie veut, elle, "rapprocher l'histoire et l'avenir" à Rome, "première mégalopole de l'histoire", où le "plus grand parc solaire urbain au monde" serait construit pour l'occasion, affirmait en juin sa Première ministre Giorgia Meloni devant le BIE.
Rome aspire à "refaire le coup de Milan", où l'Exposition universelle de 2015 a attiré 20 millions de visiteurs et redonné un coup de fouet à la capitale lombarde, observe M. le Galès.
En outre, "il reste énormément de grands travaux à faire à Rome, donc ils se disent probablement que faire un grand événement, c'est aussi l'occasion de financer ces travaux de rénovation urbaine", note-t-il.
Les expositions universelles se tiennent tous les cinq ans et durent au maximum six mois. Elles permettent au pays choisi de "se montrer au monde", tout en étant "un laboratoire pour les architectes", estimait en avril 2022, Dimitri Kerkentzes, secrétaire général du BIE sur TV5 Monde.
A titre d'exemple, la tour Eiffel a été bâtie à Paris à l'occasion de l'exposition universelle de 1889, tout comme l'Atomium et la "Space needle", structures symboles de Bruxelles et Seattle (Etats-Unis), l'ont été pour celles de 1958 et 1962.
La dernière en date, à Dubaï, a enregistré 24 millions de visiteurs. Celle de 2025 se déroulera à Osaka, au Japon.
La première exposition universelle s'est tenue en 1851 à Londres. Nombre d'inventions devenues des agréments du quotidien y ont été présentées depuis, notamment le téléphone, filaire puis portable, la télévision, le pop-corn, le ketchup ou encore le premier cône de crème glacée.