La première phase de l'opération a concerné surtout le Plateau, coeur de ce "grand ensemble" bâti dans les années 1960 sur une colline de l'ouest lyonnais ; engagée en 2003, elle doit s'achever en 2020. La deuxième, qui portera davantage sur ses marges, débute et vise l'horizon 2030.
Place Abbé-Pierre, dans ce 9e arrondissement dont Gérard Collomb fut le maire il y a vingt ans, les anciens assurent que la Duch', comme on la surnomme, s'est métamorphosée. Des barres ont été détruites, d'autres réhabilitées, de nouveaux équipements sont sortis de terre.
"Le quartier a changé. Il attire des gens de l'extérieur qui ont investi", assure Aïcha Mameri, qui a grandi là. Elle s'apprête à ouvrir un hammam et loue les locaux à la Serl, société d'économie mixte chargée d'accompagner les entreprises qui souhaitent s'implanter.
La Duchère connaît une "diversification de l'habitat", confirme Bruno Couturier, directeur de la Mission qui coordonne l'ensemble des actions locales.
"La variété dans le neuf et l'ancien, le parc social et le parc privé, favorise désormais les parcours résidentiels", souligne Michel Le Faou, élu chargé de l'urbanisme à la ville comme à la métropole de Lyon. De 80% en 2003, la part de logements sociaux y est tombée à 59% en 2017 et devrait être de 56% en 2020.
Le quartier revient de loin. Des consommateurs "ne venaient plus à La Duchère parce que l'image était mauvaise. Des supermarchés, très dégradés en termes d'attractivité, ne pratiquaient guère que du +hard discount+ sur palettes", souligne Bruno Couturier.
"On a désormais répondu aux besoins" pour les commerces de première nécessité, il s'agit maintenant de proposer des "offres complémentaires", avance Audrey Delaloy, directrice de projet à la Serl, pour fixer la population mais aussi des emplois: "on n'a jamais déconnecté les deux", assure-t-elle.
Adresse économique
Pour conforter la viabilité des commerces, il faut que La Duchère, 10.000 habitants environ, en regagne quelque 2.500, soit le nombre de personnes relogées ailleurs après la destruction des barres d'immeubles, indique-t-on.
Parallèlement, des efforts sont déployés pour attirer les entreprises. Longtemps considéré comme un îlot isolé, le quartier fait valoir aujourd'hui les atouts de son emplacement, à proximité immédiate de l'autoroute A6 - celle de Paris - et de Techlid, une zone d'activités dont elle souhaite être complémentaire.
"Il fallait développer l'idée que La Duchère pouvait accueillir des entreprises en relocalisation ou en création et qu'elle n'ait pas uniquement une image de lieu de résidence. Elle est maintenant une adresse économique pour les promoteurs et les entreprises", assure Audrey Delaloy.
Elle cite la création prochaine d'un Pôle entrepreneurial et l'installation de la société Hydreka (instruments de mesure de gestion des ressources en eau, 10 millions d'euros de chiffre d'affaires). Récemment, un immeuble de bureaux a également ouvert.
"Pour les promoteurs, on a une charge foncière moins chère que sur d'autres sites de l'agglomération", explique Audrey Delaloy - la Duchère a le statut de zone franche urbaine.
Le taux de chômage y reste cependant important : 26,7% selon les derniers chiffres contre 12% pour le reste de Lyon. En cause, "un taux de qualification très faible". Beaucoup de jeunes rechignent à rejoindre l'Ecole de la deuxième chance, pourtant toute proche, se désole Bruno Couturier.
"La Duchère est un petit laboratoire", s'enthousiasme pour sa part Romain Jimenez, responsable d'un centre de formation, qui voit des signes positifs dans le quartier. Mais la France doit mettre l'accent, "enfin", sur ce domaine, comme l'Allemagne et les pays scandinaves. Car trop souvent, déplore-t-il, on embauche "pour prendre des bras, pas pour former et garder les jeunes".