La profession, qui manque de charpentiers ou de couvreurs, "n'attire pas assez de jeunes". "On n'est pas assez sexy", estime le patron de PME de 50 ans, nouveau "coordinateur national" des Chambres de métiers et de l'artisanat pour les "Chantiers de France".
Ce dispositif gouvernemental a pour but de faire "un appel d'air" sur les métiers nécessaires à la reconstruction de Notre-Dame: "l'incendie est une chance pour l'artisanat", une occasion de "redonner goût à ces métiers un peu dévalorisés", affirme le menuisier.
Des cheveux poivre et sel coupés courts, des yeux bleus derrière des lunettes carrées, Régis Penneçot est un optimiste au sourire facile.
Mais celui qui est déjà depuis dix ans président de la Chambre de métiers et de l'artisanat de Côte-d'Or enrage en voyant le déficit d'image de sa profession. "Il n'y a qu'en France qu'on est pas fiers de l'artisanat français!"
Vingt-cinq ans après son Tour de France, une tradition née au Moyen-Age chez les artisans pour parfaire les techniques de travail, ce féru de voyages s'apprête à sillonner à nouveau les routes hexagonales pour recenser les formations et futurs salariés qui travailleront sur la cathédrale.
L'homme à la carrure imposante compte aussi sur ce chantier prestigieux pour attirer des jeunes vers l'artisanat. "Si un apprenti peut dire +je travaille à la reconstruction de Notre-Dame+, c'est quand même punchy!"
"Il faut que la reconstruction de Notre-Dame soit une vitrine pour l'artisanat français, un chantier école. Si on la reconstruit avec deux grandes multinationales, on aura tout faux."
L'entreprise familiale qu'il dirige existe depuis 1806. Spécialisée à l'origine dans le charronnage - fabrication de chariots, notamment les roues - la dynastie d'artisans du bois dont il est issu s'est mise à la menuiserie avec son grand-père.
"Traversée du désert"
Mais en 2010, l'entreprise est frappée de plein fouet par la crise. D'importantes difficultés financières qui se doublent d'un drame familial lorsque son frère aîné, Bruno, avec qui il avait repris l'affaire, met fin à ses jours sur un chantier en 2013.
Ses parents, ses trois soeurs, son épouse, toute la famille est ébranlée. "Je voulais tout arrêter, mais j'ai senti que mes gars étaient à mes côtés. C'est ça qui m'a fait continuer", raconte le menuisier.
En 2017, après "une p... de traversée du désert", la situation s'améliore enfin ; les carnets de commandes se remplissent à nouveau. L'entreprise emploie aujourd'hui huit personnes, dont trois apprentis, dans ses locaux de Varanges, petit village bourguignon non loin de Dijon.
C'est là, au fond d'une impasse où coule un petit canal, dans un calme à peine troublé par les scies électriques, que l'artisan a passé son enfance, entre l'atelier, la maison de son père et celle de son grand-père, qu'il habite aujourd'hui.
"J'espérais que mes fils reprendraient, mais je les ai pas obligés. Moi, on m'a dit: c'est ça ou rien!", raconte son père Pierre Penneçot, aujourd'hui âgé de 84 ans.
Mais Régis Penneçot ne se voyait pas faire autre chose. "A l'âge de cinq ans j'allais avec mon père couper les arbres en forêt", une activité qu'il préférait largement aux bancs de l'école. Une professeure de français écrira sur son compte: "aimable touriste". Il s'en amuse encore.
De ses trois filles, âgées de 15 à 21 ans, aucune n'a la fibre du bois. "La dynastie Penneçot risque de s'arrêter, mais c'est comme ça", dit-il en riant, pas particulièrement inquiet.
L'entreprise pourrait revenir, un jour, à un ou plusieurs de ses salariés. Beaucoup y ont fait leur apprentissage, une fierté pour le patron.
"A la fin de ma carrière, ce qui restera, ce sont les jeunes que j'ai formés, plus que le boulot réalisé". Et aussi, sans doute, quelques bâtisseurs de cathédrale.