Réalisée à partir de données réelles de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur et celles extrapolées à 2050, elle révèle que la climatisation peut faire doubler la consommation journalière d’électricité dans le pire scénario et par conséquent la facture énergétique des ménages.
Les gradients de températures ont déjà un effet sur les consommations : 15°C de plus au-dessus de la normale, en été, entraîne une consommation supplémentaire de 2,5 EPR alors que l’équipement en climatisation est aujourd’hui marginal. Cette situation pourrait se produire régulièrement dès 2050.
Demande électrique et santé publique : les nouveaux enjeux
Dans les zones développées, les vagues de chaleur engendrent des conditions de vie difficiles et donc une hausse des besoins en électricité pour la climatisation.
« Les derniers rapports du GIEC alertent à nouveau sur le réchauffement climatique et la vulnérabilité des populations face à des vagues de chaleur amenées à se multiplier et s’intensifier. Dans ces conditions de moins en moins supportables, l’usage de la climatisation se renforce et les équipements se multiplient dans les foyers car les populations cherchent à se rafraichir. La climatisation passe alors d’un rôle de confort à celui d’outil de prévention et de santé publique, notamment pour les plus fragiles et précaires. En conséquence, la consommation électrique des ménages augmente et l’alimentation de ces appareils devient un besoin critique pour ceux dont la santé en dépend », explique Cyril Gillot, Consultant Energie pour Colombus Consulting.
Lorsque les températures sont élevées, les réseaux électriques sont vulnérables et leur capacité d’acheminement réduite. Or, en même temps, les besoins en électricité tendent à augmenter avec la climatisation. En France, un effet ciseau est déjà perceptible sur les infrastructures du réseau électrique lors des vagues de chaleur et tend à s’accroître.
Avec un taux d’équipement des foyers en climatisation de seulement 5%, RTE a estimé à +250 à 300 MW consommés pour chaque degré supplémentaire au-dessus de 25°C : soit les besoins d’une ville comme Nantes. Un chiffre qui pourrait fortement augmenter lorsque le taux d’équipement en climatisation augmentera...
Quels besoins en refroidissement des bâtiments pour 2050 ?
Par un travail de modélisation basé sur des facteurs techniques, climatiques et humains, l’étude menée par Colombus Consulting et Callendar a permis de représenter plusieurs avenirs possibles et d’estimer l’évolution des besoins en refroidissement des bâtiments d’habitation. Après restitution et analyse, les résultats suivants en sont sortis :
- Une meilleure efficacité du climatiseur a plus d’impact à court terme sur la diminution de la consommation électrique liée à la climatisation qu’une plus grande isolation du logement (sauf cas des passoires thermiques). C’est donc sur ce point que les pouvoirs publics doivent agir au plus vite pour des questions d’efficience de l’adaptation au changement climatique et de pouvoir d’achat des citoyens dans un contexte de prix de l’énergie élevés.
- Les passoires thermiques, classées en performance F et G, doivent être éliminées pour éviter des surconsommations pour des ménages généralement précaires.
- Au-delà du renforcement des moyens, des approches et fléchages alternatifs doivent être trouvées par les pouvoirs publics concernant la rénovation des logements, afin d’optimiser les efforts et de maximiser les effets.
- Les gradients de températures ont déjà un effet sur les consommations : 15°C de plus au-dessus de la normale en été entraînent une consommation supplémentaire de 2,5 EPR alors que l’équipement en climatisation est aujourd’hui marginal. Cette situation pourrait se produire régulièrement dès 2050.
- L’augmentation de la consommation électrique due à la climatisation en été ne devrait pas mettre en difficulté le réseau électrique de distribution car elle reste inférieure à celle induite par le chauffage électrique durant l’hiver. Toutefois, les risques d’amorçage et de rupture de réseau enterré sont à étudier au cas par cas, en particulier pour les zones où sont raccordées de plus grandes surfaces que le résidentiel.
Les capacités des installations électriques se réduisent avec la hausse des températures moyennes : + 5°C par rapport aux normales réduisent de 7 à 8% la capacité de transport des lignes électriques. Des défaillances matérielles, liées à la chaleur, adressées par les exploitants du réseau, se multiplient avec un risque d’amorçage, car la dilatation des câbles réduit la distance de sécurité sous les lignes, provoquent des ruptures sur les réseaux enterrés ainsi que des anomalies de mesures des transformateurs.
L’étude conclut à la nécessité de renforcer les normes d’efficacité des équipements de climatisation, ainsi que de faire évoluer certaines stratégies et politiques publiques afin d’optimiser les efforts et de maximiser les effets.
Pour Cyril Gillot, Consultant Energie pour Colombus Consulting : "La climatisation provoque un appel de puissance électrique qui peut être maîtrisé. La hausse de puissance appelée, induite par la climatisation, est notable mais n’est pas critique et reste inférieure à celle liée au chauffage en hiver. La diffusion de la climatisation doit être accompagnée afin de limiter l’augmentation de la consommation et les besoins de mise à niveau du réseau électrique."
Quels leviers d’action pour une utilisation intelligente de la climatisation ?
L’essor de la climatisation est représentatif des nouveaux défis d’adaptation liés au changement climatique, notamment dans les villes du sud de la France, posant ainsi des questions environnementales, de justice sociale ou de sécurité pour l’approvisionnement électrique.
L’étude met ainsi en évidence des solutions pour limiter l’augmentation de la consommation électrique et donc le coût pour les ménages et le réseau :
- L’éducation et la sensibilisation à la sobriété, aux éco-gestes, à l’utilisation efficace de la climatisation, ainsi qu’aux effets de la chaleur et aux moyens de s’en protéger, afin d’optimiser le confort tout en maitrisant la consommation électrique.
- L’instauration rapide de normes plus strictes en France, en Europe... afin d’améliorer la performance des climatiseurs fabriqués et utilisés dans le cadre d’une première installation ou d’un renouvellement de l’équipement.
- La mise en place d'actions, de schémas directeurs et de financements publics afin de supprimer les passoires thermiques.
- L’évolution des schémas d’urbanisme afin de réduire le phénomène d’îlot de chaleur urbain.
Pour Cyril Gillot, Consultant Energie pour Colombus Consulting : "C’est un sujet qui doit être pris à bras le corps de manière collégiale, par les collectivités, les États, les acteurs du monde de l’énergie, les citoyens, etc. Une vraie stratégie doit être pensée de manière urgente pour essayer de limiter les catastrophes ou impacts négatifs inhérents."