Les récents arbitrages de la RE2020 ont mis sur le devant de la scène les matériaux biosourcés : mais quelle sera la place des biosourcés dans la construction horizon 2030 ? Les filières sont-elles suffisamment mâtures et développées pour répondre à la trajectoire attendue ? Saurons-nous faire place à ces matériaux (pour certains issus de pratiques ancestrales), dans une équation coût carbone cohérente ?
Le hub des prescripteurs bas carbone a cherché à apporter des réponses à ces questionnements en analysant les enjeux de comptabilité carbone, et en dressant un panorama objectif des filières biosourcés, de leur potentiel de décarbonation et des meilleures pratiques.
Un appel à innovation a par ailleurs été lancé pour proposer un véritable book innovation de filière.
Les messages clés du brief de filière sur les biosourcés ainsi que les résultats de l’appel à innovations seront partagés le 29 juin de 14h30 à 16h30 lors d’un webinaire grand public. Déjà plus de 1000 inscrits.
Une transformation des pratiques
Le développement des biosourcés est d’abord une affaire de pratiques. L’industrie du bâtiment s’est structurée ces dernières années principalement autour de quelques matériaux, par exemple le bois occupe aujourd'hui environ 8% des parts de marché de la construction en France. Pour faire une place aux biosourcés, c’est toute une industrie et donc l’ensemble de la chaine de valeur qui va apprendre à concevoir, réaliser et exploiter différemment. Un challenge collectif qui met en lumière l’importance de ne pas opposer les matériaux, mais plutôt de viser une performance plurielle : technique, économique et bas carbone.
Les biosourcés, champions du bas carbone par effet de substitution
Issus de procédés peu intensifs en énergie et en carbone, le recours aux matériaux biosourcés dans la construction permet un bénéfice carbone très significatif par effet de substitution par rapport à des produits conventionnels (et cela sans tenir compte de l’effet de stockage du carbone, ni de l’avantage méthodologique lié à l’ACV dynamique). Leur utilisation permet en effet un moindre recours à des matériaux énergivores et des énergies fossiles.
Le second bénéfice carbone associé aux matériaux biosourcés est sa séquestration temporaire de carbone. Pour exemple, le bois stocke ainsi environ 1 tCO2e/m3 de bois.
Toutefois, l’impact des matériaux biosourcés sur les puits de carbone varie en fonction de la gestion de la ressource, de la durée de vie des matériaux et de l’horizon temporel étudié. Des critères sur la gestion de la ressource et sur l’usage des matériaux permettent d’optimiser l’effet puits. La réussite de la SNBC reposera sur un travail d’équipe entre les secteurs : bâtiment, industrie, forêt-bois-biomasse…La SNBC a fait le choix de mobiliser le bois énergie et les biosourcés dans le bâtiment, afin de multiplier par deux le réservoir carbone (terres et matériaux) et diviser par 6 les émissions GES. En cohérence avec cette stratégie, la RE2020 a pris des arbitrages qui induisent "un recours plus fréquent au bois et aux matériaux biosourcés ". Le hub des prescripteurs bas carbone a étudié qu’un bâtiment s’inscrivant dans une trajectoire SNBC stockera en 2030 en moyenne entre 60 et 70 kgCO2e séquestré par m² construit (logement collectif et bureaux).
De multiples applications, des niveaux de maturité variables
Les matériaux biosourcés ont de multiples applications : isolants, peinture, composants de panneaux, béton... Ces matériaux présentent néanmoins des enjeux opérationnels qui doivent être pris en compte dans la prescription (coût, caractéristiques techniques, disponibilité, assurabilité).
L’appel à innovation mené montre que des solutions matures, disposant de l’ensemble des documents nécessaires (Avis technique ou ATex, FDES ), sont déjà nombreuses sur le marché. A2C Préfa a par exemple conçu un plancher préfabriqué mixte en bois-béton permettant de diminuer l’empreinte carbone du plancher. Gramitherm utilise une ressource abondante pour fabriquer un isolant à base d’herbe. Vicat propose un béton alternatif intégrant du chanvre.
Des ressources disponibles et un développement à accompagner
1er producteur de plantes à fibres, et 3ème ressource forestière d’Europe, la France bénéficie d’un fort potentiel sur son territoire. La France est un véritable réservoir de ressources qui ne demande qu’à être encouragé et se développer.
L’analyse de la disponibilité de cette ressource et du niveau de structuration des filières nécessite de distinguer deux grandes catégories : les fibres végétales et le bois.
La disponibilité des ressources en fibres végétales est, à dire d’expert suffisante, pour faire face à une hausse significative ; les matériaux utilisant dans la grande majorité des cas un co-produit qui est peu voire non exploité.
L’enjeu majeur de la filière bois est l’articulation entre les acteurs de la première et deuxième transformation pour un approvisionnement dans de bonnes conditions sur le territoire français (coûts, qualité et délais). L’augmentation des demandes en bois d’œuvre est également susceptible de poser des enjeux de disponibilité de la ressource. Pour limiter les importations et valoriser les ressources françaises, la filière pourrait se structurer autour du bois feuillu (représentant ¾ des essences françaises) en complément du bois résineux, et les prescripteurs devront s’orienter vers ces essences.
Outre les enjeux de ressources et transformation, la question de la formation des acteurs ressort comme un axe majeur pour assurer un emploi optimal de ces matériaux. Construire en biosourcé nécessite en effet une connaissance et une maitrise de leurs spécificités, pour exploiter leurs atouts tout en assurant une conception optimisée tant sur le plan qualitatif qu’économique.
Des pratiques nouvelles à assimiler pour une optimisation des coûts
Plusieurs études ont été menées par le Hub sur l’équation coût-carbone des biosourcés. Celles-ci ont permis de constater certaines tendances économiques notamment pour la construction bois :
- Des maisons individuelles sans tendance de surcoûts constatée (on constate néanmoins que les prestations des maisons en construction bois sont parfois avec des niveaux prestations très qualitatives, ce qui peut générer des biais dans les comparaisons),
- Des logements collectifs avec des surcoûts de 5 à 10 % mais pouvant aller jusqu’à 15-20% selon la hauteur du bâtiment.
- Des coûts en bâtiments tertiaires difficiles à extrapoler, compte tenu de la diversité des projets et de leurs caractères emblématiques ne permettant pas d’identifier des règles généralisables.
Le recours à des constructions mixtes ou tout bois peut être considéré comme une pratique nouvelle, avec des parts de marchés et un nombre d’initiés encore restreint. Construire en biosourcé nécessite une connaissance et une maitrise de leurs spécificités pour exploiter leurs atouts tout en assurant une conception, une réalisation et une exploitation maitrisées. La formation des acteurs est donc un axe majeur pour assurer un emploi optimal de ces matériaux. Celle-ci est nécessaire à tout niveau : maîtres d’ouvrages, architectes, bureaux d’études, entreprises, …
L’assimilation des pratiques par un nombre grandissant d’acteurs permettra d’accroître le recours à ces matériaux dans la construction, et leur compétitivité sur l’ensemble de la chaîne de valeur (économie d’échelle pour les coûts de production, optimisation de la conception et de la mise en œuvre), qui devrait permettre à la filière d’être d’autant plus compétitive sur une approche coût-carbone.
Selon Christophe Rodriguez, directeur général adjoint à l’IFPEB, « La RE2020 est une réglementation inédite qui propulse la construction sur le chemin vers la neutralité carbone. Le hub des prescripteurs bas carbone est une communauté qui souhaite partager, se doter d’outils opérationnels et apprendre pour anticiper et faire de ces évolutions un succès pour toutes les filières du bâtiment. Les analyses que nous menons nous montrent que les cartes seront rebattues mais également que chaque solution, chaque matériau pourra jouer un rôle. La condition de notre transition environnementale sera la capacité d’innovation des filières. Nos prochains briefs concerneront les lots techniques et l’enveloppe du bâtiment. »
Les messages clés du brief béton ainsi que les résultats de l’appel à innovations seront partagés le 29 juin de 14h30 à 16h30 lors d’un webinaire grand public.