Qualifié de "fou" au début de son entreprise, cet homme, qui a dû renoncer à sa vocation de moine à cause de la tuberculose, est mort en novembre 2021 à 96 ans.
Bâtie sur un terrain vague à Mejorada del Campo, la "cathédrale de Justo", qui n'est pas reconnue comme un lieu de culte par les autorités religieuses, a aujourd'hui une superficie de 4.700m2, une nef centrale de 50 mètres de long et 20 m de large, une hauteur de 35 m et douze tours de style gothique ou byzantin.
Justo Gallego y a consacré plus de la moitié de sa vie, utilisant des briques cassées, des pots de peinture ou des boîtes de conserve et avançant mètre après mètre, sans avoir de plan.
Visitant les lieux après avoir reçu le prix Princesse des Asturies, le célèbre architecte britannique Norman Foster lui avait dit: "c'est à vous qu'on aurait du remettre ce prix", a raconté vendredi à l'AFP Juan Carlos Arroyo, ingénieur et architecte dont l'entreprise, Calter Ingeniería, étudie la solidité de la construction qui doit encore être régularisée.
Trop affaibli pour travailler ces dernières années, Justo a cédé l'oeuvre de sa vie à l'organisation caritative des Messagers de la Paix du Père Angel, un religieux très connu et médiatique en Espagne, qui se chargera de terminer l'édification du temple.
"Dans le style Justo"
Né en 1925 à Mejorada del Campo, dans une famille d'agriculteurs, il a commencé à bâtir ce temple dédiée à la "Vierge du Pilier" à l'âge de 27 ans après avoir dû quitter la vie monacale et être revenu dans son village.
Clin d'oeil, elle se trouve dans la rue Antonio Gaudi (1852-1926), bâtisseur de la Sagrada Familia de Barcelone inachevée à sa mort et qui n'est toujours pas terminée.
Un architecte que Justo dédaignait pour avoir voulu imiter la nature alors que lui avait pour unique volonté de construire un temple roman.
Selon Juan Carlos Arroyo, la cathédrale de Mejorada del Campo serait plutôt "de style gothique en terme architectonique, en raison de sa finesse, de l'échelle de construction" mais elle est surtout "dans le style Justo".
"La structure a supporté des évènements météorologiques importants tout au long de sa construction", ajoute-t-il, en se disant convaincu qu'elle ne nécessitera que "de petites interventions chirurgicales".
Ce qui est surprenant, au vu des matériaux utilisés. "Aujourd'hui, le recyclage est à la mode, mais (Justo) l'a utilisé il y a 60 ans quand personne ne parlait de cela" et "il a créé une esthétique, une belle esthétique".
Personnes dans le besoin
Le Père Angel voudrait que la cathédrale de Justo soit un lieu ouvert à toutes les confessions mais aussi aux gens dans le besoin.
"J'ose dire qu'il y a trop de cathédrales et trop d'églises et que parfois nous avons surtout besoin qu'elles soient pleines", dit-il devant l'autel. "Cela ne sera pas une cathédrale à proprement parler mais un centre social où pourront venir les gens pour prier" ou s'ils "ont des difficultés"
A l'intérieur du bâtiment, les volontaires travaillant sous la direction d'Angel López, qui aidait Justo Gallego depuis 24 ans, se mélangent aux visiteurs qui entrent et sortent. Comme Ramon Calvo, 74 ans, venu de Madrid avec ses anciens camarades de classe.
"Si les moyens, surtout économiques, sont mis, pour l'achever, cela sera un très beau temple. Et vu l'histoire qu'il a, il méritera d'être visité, comme nous sommes en train de le faire", dit-il, affirmant être "convaincu" que Justo Gallego avait reçu un "message" avant de se lancer dans une telle entreprise.