Attendu au tournant, l'exécutif reste en retrait. Des onze organisations syndicales et patronales conviées en bilatérales depuis deux mois, seule l'U2P aura été reçue cette semaine par le cabinet d'Olivier Dussopt, pour aborder le très sensible sujet du "financement du système de retraite".
Une réunion de deux heures durant laquelle "plusieurs scénarios d'âge et de durée de cotisation" ont été présentés, indique Jean-Christophe Repon, vice-président de la fédération des artisans, commerçants et travailleurs indépendants.
Des "simulations sur des variables possibles", basées d'une part sur un report à 64 ou 65 ans de l'âge légal actuellement fixé à 62 ans, et d'autre part sur une durée de cotisation relevée à 43 ans (172 trimestres) d'ici 2035 - comme prévu à ce stade - ou plus tôt.
Pas enthousiasmé par la "vision haute" des 65 ans qui lui "paraît difficilement acceptable", le responsable patronal ne cache pas sa préférence pour l'option intermédiaire des 64 ans avec une accélération du calendrier sur la durée de cotisation.
A condition cependant de conserver le dispositif permettant déjà à ceux qui ont commencé leur carrière jeunes (avant 20 ans) de partir deux à quatre ans plus tôt. "S'il y a un maintien des +carrières longues+ qui protège nos artisans, on peut voir un recul à 64 ans", estime M. Repon.
Quant au rythme du recul de l'âge légal, bien qu'Emmanuel Macron ait à plusieurs reprises évoqué une hausse de 4 mois par an - pour atteindre 64 ans en 2027 puis 65 ans en 2031 - le vice-président de l'U2P a trouvé "les arbitrages moins affinés" sur ce point. En revanche tous les scénarios partent d'une entrée en vigueur dès l'an prochain, pour les personnes nées en 1961, "la génération clé", dit-il.
"On peut discuter"
Des pistes en partie confirmées par Elisabeth Borne dans un entretien au Parisien mis en ligne jeudi soir. La Première ministre y affirme en effet que "la réforme s'appliquera à partir de l'été 2023", en commençant par ceux nés "aux deuxième semestre 1961", et qu'un "report progressif" à "65 ans d'ici 2031" permettrait "de ramener le système à l'équilibre dans les dix ans".
Mais "on peut discuter" d'un "autre chemin", assure-t-elle, tout en excluant d'emblée "de baisser le montant des retraites ou d'alourdir le coût du travail par des cotisations supplémentaires". La cheffe du gouvernement s'engage néanmoins à maintenir "l'âge d'annulation de la décote" à 67 ans comme aujourd'hui, ainsi que "le système des +carrières longues+" défendu aussi par les syndicats.
Au-delà de ces annonces, aucun document de travail n'a pour l'heure été diffusé aux partenaires sociaux, contrairement aux deux premiers cycles de concertation. Un "support de discussion" a bien été "projeté, mais on ne nous l'a pas donné", précise M. Repon, observant que "c'est la première fois qu'on ne l'a pas".
Contacté, le ministère du Travail assure qu'un document de ce type sera bien versé au débat, sans préciser quand. Un signe de la prudence de l'exécutif, alors que les dix autres bilatérales sont toutes regroupées les 7, 8 et 9 décembre, selon les négociateurs contactés par l'AFP.
Ce calendrier permet d'enjamber deux écueils: l'intersyndicale du 5, au siège de la FSU, où la question d'une date de mobilisation en janvier sera sans doute évoquée, mais aussi les élections professionnelles dans la fonction publique, qui ont débuté jeudi et s'achèveront le 8.
Une fois passés les rendez-vous avec les syndicats, la Première ministre Elisabeth Borne dévoilera ses arbitrages dans le courant de la deuxième semaine de décembre. Juste avant les vacances de Noël, période peu propice à la mobilisation des salariés.