Entre juillet et septembre, les permis de construire se sont élevés à 122.100 unités, soit une baisse de 10,2% par rapport à la même époque de 2017, selon les chiffres du ministère de la Cohésion des Territoires. Le nombre de mises en chantier diminue aussi, de 7,9% à 85.100.
Après deux années de progression régulière, la construction de logements neufs marque une pause depuis le début 2018, alors que le gouvernement a promis de relancer l'offre grâce à son projet de loi sur le logement.
Les chiffres de lundi montrent que la baisse des permis de construire, qui s'était brusquement accentuée au début de l'été, s'est un peu atténuée à la rentrée. Entre juin et août, ils avaient reculé de 12% par rapport à la même période de 2017.
C'est notamment le marché des logements individuels groupés - c'est-à-dire les maisons comprises au sein d'un programme immobilier plus large - qui marque un redressement: entre juillet et septembre, les permis de construire rebondissent de plus de 10%.
Les deux autres grandes catégories, maisons individuelles "pures" et "logement collectif", restent en net déclin: les autorisations de chantiers reculent respectivement de 10,9% et 17,1% sur la même période.
Du côté des mises en chantier, qui répercutent logiquement les évolutions des permis de construire avec un peu de retard, leur nombre recule dans toutes les catégories et creuse sa baisse: elle n'était que d'un peu plus de 5% entre juin et août.
Sur le seul mois de septembre, le délai moyen d'ouverture de chantier, s'est légèrement allongé dans l'individuel (5,4 mois) tandis qu'il est resté stable dans le collectif (11,2 mois) par rapport à août.
Egalement pour septembre, le taux d'annulation de permis de construire de logements individuels (11,1%) augmente légèrement par rapport à août, mais reste moindre que sa moyenne sur neuf ans.
Il progresse encore plus nettement sur le collectif (26,2%) et il est là nettement supérieur à cette moyenne de long terme.
Vers une année de repli ?
"Même si ça reste à un niveau élevé, c'est une tendance qui n'est clairement pas bonne", a prévenu à l'AFP Alexandra François-Cuxac, présidente de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI). "C'est de nature à nous inquiéter."
Le déclin frappe les deux grandes catégories de logements, les immeubles et les maisons individuelles, malgré un redressement dans le cas particulier où elles sont comprises dans un projet immobilier plus large.
Dans le premier cas, alors que le logement collectif avait mieux résisté en début d'année que l'individuel, le déclin des permis de construire est particulièrement marqué au dernier trimestre: leur nombre recule de plus de 17%.
"On a une grande majorité de communes où les maires sont attentistes et n'accordent pas suffisamment de permis", a mis en avant Mme François-Cuxac, évoquant des raisons politiques, avec l'approche des municipales de 2020, comme économiques, au moment où le gouvernement est notamment en train de supprimer la taxe d'habitation sans définir clairement la compensation pour les communes.
Une autre raison est avancée par les acteurs du logement social, gros client de nouveaux immeubles: les économies demandées par le gouvernement, à hauteur de 1,5 milliard d'euros par an, n'encouragent pas les projets.
"Les mesures de réorganisation du secteur HLM (...) expliquent en bonne partie la baisse des ventes en bloc aux bailleurs sociaux", jugeait l'économiste Olivier Elluère, spécialiste de l'immobilier chez Crédit Agricole, dans une note publiée avant les chiffres de lundi.
Confronté à cette tendance depuis plusieurs mois, le gouvernement s'abstient de commenter les chiffres de la construction avant la fin de l'année, sur la même ligne que pour d'autres indicateurs comme le chômage.
Fiscalité élevée
Interrogé à la mi-octobre par l'AFP, le ministre du Logement, Julien Denormandie, reconnaissait toutefois que les réformes du gouvernement ont pu créer des "interrogations" et susciter des "décalages de projets".
L'exécutif insiste plutôt sur sa loi sur le logement, qui vient d'être adoptée par les parlementaires mais fait encore l'objet de recours au Conseil constitutionnel: elle vise à créer le contexte nécessaire pour construire plus de logements en simplifiant les règles.
"Mais l'effet sur la construction et la vente de logements de ce choc d'offre sera très graduel et mesuré à l'horizon 2018-2019", prévient M. Elluère.
De plus, parallèlement au déclin amorcé de la construction d'immeubles, l'économiste souligne que d'autres mesures du gouvernement contribuent à faire reculer le nombre de nouvelles maisons individuelles.
Sur ce terrain, c'est notamment l'annonce fin 2017 par le gouvernement de la réduction du périmètre géographique de plusieurs aides budgétaires et fiscales à la propriété, comme le prêt à taux zéro (PTZ), qui est en cause et particulièrement critiqué par le secteur du bâtiment.
"Le repli des ventes de neuf constaté dans les maisons individuelles en 2018 est en bonne partie dû à l'effet PTZ", juge M. Elluère, notant par ailleurs que la demande ne peut plus être soutenue par un déclin de taux de crédit déjà très bas.
De son côté, l'exécutif assure au contraire avoir donné plus de visibilité aux acquéreurs: s'il a recentré ces aides, il les a aussi prolongées pour plusieurs années.
"Ces soi-disant aides perturbent énormément le marché", a souligné lundi Nordine Hachemi, PDG du promoteur Kaufman & Broad, sur la radio BFM, jugeant qu'elles n'étaient là que pour compenser une fiscalité trop importante sur l'ensemble du logement.
"Le point numéro un, c'est comment revenir à une fiscalité raisonnable", a-t-il conclu. "Du coup, on n'aurait plus besoin de tous ces dispositifs qui changent en fonction des majorités politiques et déstabilisent le marché en permanence."