"Tous les clignotants sont au rouge" pour 2024, a déclaré à l'AFP Alain Plantier, président de l'Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction (Unicem) en marge de la présentation du bilan d'activité du secteur en 2023 jeudi.
Pour 2023, la production de béton prêt à l'emploi devrait avoir reculé de 6,5% en France par rapport à celle de 2022, à 36,7 millions de m3, selon les estimations de l'Unicem qui table aussi sur un recul de 7,5% de la production de granulats, à 320 millions de tonnes l'an prochain.
Pour 2024, la profession table sur un recul supplémentaire de 6% dans les granulats et de 10% pour les bétons prêts à l'emploi.
"La conjoncture s'est détériorée bien plus qu'annoncé fin 2022, surtout dans la construction neuve et la maison individuelle (...) où on a vu les ventes qui s'effondrent, les permis de construire qui s'effondrent et les mises en chantier aussi", résume Carole Deneuve, cheffe du service économique de l'Unicem.
Même son de cloche chez le cimentier Lafarge (Holcim), interrogé en parallèle. "Les perspectives de marché pour 2024 sont mauvaises" a indiqué à l'AFP François Petry, directeur général de Lafarge France.
En octobre, jamais le moral des promoteurs immobiliers français n'avait été aussi bas depuis 1991, lorsque les premières enquêtes trimestrielles sur les perspectives de mises en chantier menées par l'Insee ont été lancées, ajoute Mme Deneuve.
Selon l'observatoire des Promoteurs Immobiliers, les mises en vente de logements neufs ont chuté de 48,6% au troisième trimestre, du jamais vu depuis que l'observatoire existe.
"Du coup, les matériaux suivent la tendance", ajoute M. Plantier. "Comme nous répondons aux besoins, en extrayant des matériaux des carrières, nous n'allons pas stocker des matières premières pour le plaisir" explique-t-il.
L'Unicem représente 2.400 entreprises sur quelque 6.000 sites, essentiellement des carrières de granulats ou des stations de béton prêt à l'emploi, ainsi que des spécialistes de la pierre, qui représentent quelque 77% du chiffre d'affaires des matériaux de construction en France.
"Dramatique"
Alain Plantier craint aussi une décision d'arrêt des activités de construction en Ile-de-France pendant une période "de deux à quatre mois autour des Jeux olympiques" l'été prochain, et notamment l'arrêt des stations de béton le long de la Seine, ce qu'il juge "dramatique".
Cela générerait selon lui un déficit de 500.000 mètres cubes de béton frais en Ile-de-France, l'une des régions qui construit le plus en France, et 1 million de tonnes de granulats en moins: "Les entreprises ont besoin d'un fonds de commerce pour vivre, elles ne peuvent pas se permettre plusieurs mois sans chiffre d'affaires", d'autant que "les trésoreries se tendent actuellement".
Seul rayon de soleil, le secteur des travaux publics est "mieux orienté" grâce à des carnets de commandes bien remplis dans la commande publique.
Ce réveil s'explique par le cycle électoral de six ans lié au rythme des élections municipales en France. Il intervient trois ans après le dernier scrutin, lorsque les projets de construction s'accélèrent.
"Nous voyons beaucoup de travaux dans le domaine de l'énergie (chaudières biomasse, raccordements, etc..) du génie civil et des mobilités près des grandes métropoles", souligne M. Plantier, alors que les "travaux routiers et les terrassements" sont "plutôt à la traîne".
Dans le domaine des déchets, de nouveaux éco-organismes chargés de piloter la récupération, le tri et le recyclage des matériaux issus des chantiers de démolition, ont vu le jour début 2023 pour réduire les émissions de CO2 du secteur et lutter contre les décharges sauvages.
L'objectif est de parvenir à 17 millions de tonnes récupérées en 2024, contre 3 millions de tonnes de gravats et déchets "inertes" cette première année, rappelle-t-il.
"Notre conviction reste entière, nous sommes la solution pour construire de façon innovante et durable et nous allons maintenir nos efforts de décarbonation et de recyclage", ajoute François Petry, le directeur général de Lafarge.
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