Loin de permettre aux consommateurs de bénéficier de tarifs justes et stables, notamment pour le tarif réglementé, ce projet prolonge et amplifie une exposition artificielle et inacceptable des factures des consommateurs aux prix sur les marchés internationaux. En conséquence, nos associations appellent le Gouvernement à revoir sa copie en profondeur.
Une régulation mal adaptée, inapte à éviter l’explosion des factures d’électricité
Depuis le 1er janvier 2022, les tarifs réglementés de l’électricité ont augmenté de plus de 40%. En mentionnant la crise de l’énergie consécutive à l’invasion de l’Ukraine par la Russie comme cause de cette hausse, le Gouvernement passe sous silence sa propre responsabilité, largement engagée s’agissant des causes profondes de l’explosion des factures d’électricité payées par les consommateurs. En effet, c’est la régulation du marché français de l’électricité qui expose de manière artificielle les consommateurs à la volatilité et la cherté des tarifs de l’énergie électrique sur les marchés internationaux.
Comment accepter que les prix de l’électricité sur les marchés internationaux (eux-mêmes fixés, entre autres, par les prix du gaz) représentent plus de la moitié des coûts d’approvisionnement de l’électricité payée par les consommateurs français, alors que l’électricité consommée en France est produite quasi intégralement dans notre pays (94,6%) (1), que la production domestique est largement décarbonée (92,2%) (2) et assurée majoritairement par des moyens de production dont les installations sont amorties de longue date ?
Un projet de nouvelle régulation inflationniste
Alors que les deux associations appellent depuis plusieurs années les pouvoirs publics à impliquer toutes les parties prenantes (dont les associations de consommateurs) dans l’élaboration du cadre régulatoire devant s’appliquer à compter du 1er janvier 2026, elles n’ont pu que déplorer qu’elle ait uniquement impliqué le Gouvernement et EDF (3). Cette absence de prise en compte de la voix des consommateurs se traduit par de nombreuses carences dans la nouvelle régulation promue par le Gouvernement dans la loi de souveraineté énergétique (4).
Plutôt que d’établir un cadre assurant aux ménages de payer à l’avenir un prix de l’électricité représentatif des coûts de production de l’électricité sur notre territoire, le projet fait totalement l’impasse sur une régulation de la production d’hydroélectricité, dont les infrastructures de production sont majoritairement publiques et gérées par EDF. En l’état, seule une régulation très lacunaire du nucléaire, qui porte les germes d’inflations massives et injustifiées du prix de l’électricité au cours des prochaines années, est envisagée.
En gros, EDF vendrait sur les marchés l’intégralité de sa production nucléaire et les consommateurs ne bénéficieraient que très partiellement des bénéfices générés par le producteur sur ces ventes. En effet, le mécanisme de redistribution partielle ne débuterait qu’à partir d’un seuil élevé, estimé par le Gouvernement à 78 €/MWh. Ce prix apparaît totalement déconnecté des coûts réels de la filière nucléaire, bien plus bas dans de nombreux pays (comme les États-Unis et la Finlande, où le coût du nucléaire est de l’ordre de 30 €/MWh). Par ailleurs, ce projet imposerait aux consommateurs de financer le renouvellement des centrales nucléaires tout en excluant de la régulation toute la production qui serait assurée par ces nouvelles centrales. Autrement dit, les consommateurs financeraient les nouvelles centrales sans être associés aux bénéfices espérés, ce qui ne serait pas entendable.
Au global, derrière l’ambition proclamée de garantir aux consommateurs un prix de l’électricité stable et représentatif des coûts du mix électrique français, ce projet de nouvelle régulation du marché constitue en réalité une véritable tromperie.
En conséquence, l’UFC-Que Que Choisir et la CLCV demandent au Gouvernement d’abandonner son projet de nouvelle régulation de l’électricité, et d’en proposer un nouveau découlant d’une véritable concertation avec les parties prenantes, dont les organisations de consommateurs. Dans ce cadre, les deux associations promeuvent la création d’un service public de l’électricité qui aura vocation à permettre aux consommateurs de payer un prix de l’électricité représentatifs des coûts de production de l’électricité nucléaire et hydraulique du pays, aussi bien pour les installations actuelles que futures.
En outre, elles rappellent parallèlement leur attachement au maintien du tarif réglementé, seule offre réellement encadrée par les pouvoirs publics, et à sa réforme afin qu’il soit calculé à partir des seuls coûts réels de fourniture en électricité de l’opérateur historique.
(1) En 2023, la consommation brute d’électricité en France s’est élevée à 438,3 TWh, et les importations ont été de 24,5 TWh (cf. https://analysesetdonnees.rte-france.com/index.php/bilan-electrique-2023/consommation#Consommationcorrigee et https://analysesetdonnees.rte-france.com/marche/echanges-commerciaux).
(2) https://analysesetdonnees.rte-france.com/index.php/bilan-electrique-2023/synthese
(3) Cf. https://www.quechoisir.org/action-ufc-que-choisir-marche-de-l-electricite-l-ufc-que-choisir-denonce-un-accord-de-marchands-de-tapis-negocie-dans-l-ombre-n113370/et https://www.clcv.org/communiques-de-presse/reforme-du-marche-de-lelectricite-letat-et-edf-sentendent-sur-le-dos-des-consommateurs-pour-facturer-un-prix-du-nucleaire-exorbitant
(4) Le projet de loi a été dévoilé par le Ministère de la transition énergétique en janvier 2024, mais n’a pas encore été présenté en Conseil des ministres.
Image d'illustration de l'article via Depositphotos.com.