"Je ne vais pas annoncer un plan banlieues", a déclaré le chef de l'Etat, dans la salle des fêtes de l'Elysée où étaient réunis plus de 600 acteurs de terrain et presque tout le gouvernement. Car "on est au bout" de ce qu"a pu produire cette stratégie" qui est "aussi âgée que moi", a ajouté M. Macron, en estimant que "poursuivre dans cette logique est poursuivre dans l'assignation à résidence, la politique spécialisée, et je n'y crois pas".
Appel aux entreprises, stages, école: pendant une heure trente, le chef de l'Etat a toutefois déroulé une longue liste de mesures, non chiffrées, en donnant un rendez-vous d'étape en juillet à divers acteurs de cette "mobilisation". Un "comité de suivi", composé de personnalités tournantes, se réunira ensuite tous les deux mois, a-t-il détaillé, en rappelant les actions dont ont déjà bénéficié les quartiers sous le nouveau gouvernement: police de proximité, dédoublement des classes de CP, mise à l'amende des consommateurs de cannabis...
Les banlieues "ne demandent pas d'assistance" mais leur "place dans la République", avait auparavant déclaré Jean-Louis Borloo, auteur d'un rapport très commenté sur l'avenir des 1.300 quartiers prioritaires en métropole où habitent cinq millions de personnes.
"Tous les sujets du rapport ont été cochés", s'est félicité l'ancien ministre de la Ville après le discours, alors que beaucoup prédisaient un enterrement de son rapport.
Parmi les mesures reprises, la mise en chantier d'une "cour d'équité territoriale" ou la création de "30.000 places en crèche" pour favoriser le travail des femmes avec une subvention de "1.000 euros par place" dans les quartiers.
Alors que le chômage touche un quart de la population et un tiers des jeunes de ces quartiers, le chef de l'Etat a appelé les 120 plus grandes entreprises françaises à "prendre leur part" sur l'emploi et l'apprentissage, en diversifiant les embauches (des tests anti-discrimination seront organisés dans les trois ans) et en proposant des stages pour les élèves de 3e (15.000, soit autant que l'Etat).
"Défaut de concret"
Mais sur la rénovation urbaine Emmanuel Macron n'a pas repris telle quelle la proposition ambitieuse de "fondation nationale" de Jean-Louis Borloo, évoquant une opération "coeur de quartiers" d'ici juillet et une action sur les copropriétés dégradées.
Du côté des élus, qui croyaient beaucoup au plan Borloo, la déception était palpable. "Il y a un défaut de concret", a estimé Patrice Bessac, maire PCF de Montreuil (Seine-Saint-Denis), en déplorant "un sentiment de poudre aux yeux.
Stéphane Gatignon, l'ex-maire de Sevran, a fustigé les "petits pas" de Macron.
Rappelant que des policiers avaient été mis en joue lundi par des hommes armés dans une cité sensible de Marseille, le chef de l'Etat a annoncé un plan de lutte contre le trafic de drogue "d'ici juillet". Il s'est aussi ému de la hausse des discours racistes et antisémites "en train d'empirer" et de la radicalisation "qui dans certains quartiers a gagné, est en train de gagner".
A ce sujet la présidente du FN, Marine Le Pen, a raillé "la politique de l'autruche" du gouvernement français en matière de lutte contre le "fondamentalisme islamiste". Le patron des Républicains, Laurent Wauquiez, a pour sa part critiqué une "politique spectacle", sans "rien derrière" et qui délaisse "les territoires oubliés de la République".
Avant la réunion dans la salle des fêtes, qui a été animée par l'humoriste Yassine Belattar, M. Macron avait débattu pour la première fois avec les membres du Conseil présidentiel des villes, 25 acteurs locaux.
Une volonté d'interpellation directe des acteurs de terrain qui justifie, selon M. Macron, de ne pas imposer d'en haut des solutions toutes faites: Un plan élaboré par "deux mâles blancs qui ne vivent pas dans ces quartiers" n'aurait "aucun sens", selon lui.
Borloo se dit très satisfait des annonces de Macron
L'ex-ministre Jean-Louis Borloo s'est dit très satisfait mardi des annonces d'Emmanuel Macron pour les banlieues, estimant que "tous les sujets du rapport ont été cochés".
"Les 19 points du rapport (dont il est l'auteur) y sont tous. J'ai retrouvé la cour d'équité territoriale, la fondation, le campus numérique, la cité éducative, la mobilisation de tout le monde. Je n'en vois pas un qui manque, sauf peut-être le programme +à la rencontre de l'autre", a-t-il dit à l'AFP à l'issue du discours du chef de l'Etat.
"Après c'est un art de l'exécution", a conclu M. Borloo dont l'ambitieux rapport sur l'action à mener dans les quartiers prioritaires a inspiré le président de la République.
Sur la mobilisation des entreprises, "j'aurais aimé que ça aille plus loin dans l'obligation, que le Parlement soit saisi dans 18 mois" pour décider d'éventuelles sanctions contre celles qui ne respecteraient pas leurs engagements à recruter un certain quota d'apprentis, a plus tard ajouté M. Borloo, qui préconisait dans son plan de telles sanctions.