Face à des oppositions dispersées, l'exécutif est confiant sur l'issue du "vote solennel" prévu en fin d'après-midi pour ponctuer l'examen en première lecture de ce texte emblématique, porté par le ministre du Travail Olivier Dussopt.
D'autant plus qu'il a fini par accepter une demande insistante de la droite: la mention explicite d'un minimum de 15 heures d'activités hebdomadaires pour tous les inscrits d'une future grande liste des demandeurs d'emploi, incluant désormais l'ensemble des bénéficiaires du RSA.
Contre l'avis du gouvernement, le Sénat avait déjà inséré dans le texte qu'il a voté en juillet ce minimum, ensuite édulcoré par les députés en commission.
Le compromis scellé dans l'hémicycle entre droite et majorité présidentielle mentionne bien les 15 heures, mais assorties d'exceptions, pour raisons de santé ou encore problèmes de garde d'enfant. Le nombre d'heures pourra aussi diminuer plus largement en fonction des "situations individuelles".
"Totem" de l'allocation
Cette solution "va dans le bon sens" en fixant les 15 heures comme un "objectif", s'est réjoui lors des débats Olivier Dussopt, qui était réticent à graver un volume horaire peu adapté à certains et impossible à proposer à tous.
"Ce n'est pas du travail gratuit, ni du bénévolat" mais des activités de formation ou d'insertion, a-t-il par ailleurs martelé en défense des activités obligatoires, pourfendant le "totem" d'une aide "sans contrepartie" qui "enferme" dans la précarité.
Il a défendu de la même manière un nouveau type de sanctions pour les bénéficiaires du RSA ne respectant pas leurs obligations. Leur allocation pourra être suspendue, mais récupérable en cas de "remobilisation". Dans une limite toutefois de trois mois de versement, introduite au Sénat.
"En face du RSA, il doit y avoir des contreparties", a fait valoir le député LR Philippe Juvin en soutien à ces mesures, face à une Nupes (LFI, PS, EELV, communistes) vent debout contre une "infantilisation" des plus précaires.
Le Rassemblement national (RN) a joué de son côté l'équilibrisme. Ses députés ont voté en vain avec la gauche contre les 15 heures minimum, mais se sont abstenus lors du vote de la nouvelle sanction, au nom de la fermeté contre les "tricheurs".
"Ils essayent de ne se priver d'aucune partie de leur électorat", mais "on ne les a pas beaucoup entendus", tacle un cadre de la majorité.
Déconvenue pour l'exécutif
Le projet de loi, qui fixe le cap d'un taux de chômage réduit à 5% d'ici à 2027, vise à intensifier l'accompagnement des personnes les plus éloignées de l'emploi. Grâce notamment à une meilleure coordination des acteurs du service public de l'emploi, autour d'un Pôle Emploi rebaptisé "France Travail" – un changement de nom gommé au Sénat, mais rétabli à l'Assemblée.
Cette réorganisation en réseau doit notamment permettre un meilleur partage d'informations, selon le gouvernement. C'est une "usine à gaz", rétorque la gauche.
Pour la CFDT, "ni la gouvernance du projet ni les moyens dédiés ne sont à la hauteur des ambitions". Le syndicat s'alarme aussi de mesures qui "vont encore fragiliser les plus précaires".
"Cette réforme renforce l'inconscient collectif qui dit, en gros, que si les personnes sont dans cette situation (...) c'est qu'elles l'ont bien cherché", a critiqué pour sa part la Défenseure des droits Claire Hédon dans Libération.
Si la droite a soutenu les mesures-clés du texte, elle a en revanche contribué à une défaite du gouvernement, en votant -- avec une partie de la Nupes et le RN -- contre un article sur l'accueil de la petite enfance, déjà raboté au Sénat.
La ministre des Solidarités Aurore Bergé a plaidé en vain pour cette "esquisse" d'un "service public de la petite enfance". Mais les oppositions critiquaient un flou sur les moyens prévus et la droite s'opposait à des contraintes jugées trop fortes sur les communes, auxquelles le texte donnait le statut d'autorité organisatrice.
La commission mixte paritaire où sénateurs et députés tenteront de négocier un texte commun pourrait revenir sur le sujet.
Volet plus consensuel, les articles donnant de nouveaux droits aux travailleurs handicapés ont eux été maintenus sans difficulté lors des débats.