École
Préfabriqués parfois installés depuis 17 ans, et, dans certains établissements, rats dans les cours, toit qui s'effondre ou punaises de lit dans les dortoirs: l'état des écoles marseillaises a été régulièrement pointé du doigt. "Certaines sont dans un état pitoyable", reconnaît le recteur de l'académie Aix-Marseille.
Élue en juin 2020, la nouvelle municipalité de gauche avait fait campagne en promettant de consacrer un milliard d'euros pour leur rénovation. Après 30 millions d'euros pour des travaux d'urgence, 85 millions ont ensuite été engagés lors du vote du premier budget, en avril, pour un programme de réhabilitation de 11 des 472 écoles de la ville --des travaux qui devraient débuter en 2022.
Le maire Benoît Payan explique avoir travaillé avec l'Etat à un "grand plan de rénovation" estimé à 1,2 milliard d'euros pour "rénover, requalifier ou reconstruire" environ 200 écoles de la ville. "Ce chantier, c'est comme si on avait à reconstruire une ville de 20.000 habitants de A à Z", avait-il plaidé début juin.
Transport
Ville où le "tout voiture" prédomine, qui compte de très rares rues piétonnes, Marseille est très en retard dans son offre de transports en commun --la ville est même classée par Greenpeace comme la lanterne rouge en France en termes de solutions de mobilité alternatives à la voiture.
La deuxième ville de France ne compte que 1.129 kilomètres de lignes de bus, tramway et métro, contre 3.886 à Lyon par exemple, selon l'Union des transports publics. Dotée de deux lignes de métro, trois lignes de tramways --dont les parcours sont parfois parallèles--, et 93 lignes de bus, la cité phocéenne n'offre aucune liaison directe entre les quartiers pauvres du Nord et ceux plus aisés du Sud. Et les projets avancent au ralenti: il a fallu cinq ans pour mettre en service, en décembre 2019, une extension du métro M2 de... 900 mètres.
La ville méditerranéenne est aussi classée bonne dernière et "très défavorable" pour la pratique du vélo par la Fédération des usagers de la bicyclette, avec seulement 130 km de pistes cyclables sur la métropole, contre 750 pour l'agglomération lyonnaise.
Trafic de drogue
Avec 156 "plans stups", soit "deux fois plus que des bureaux de poste", Marseille est gangrénée par le trafic de drogue. Derrière ce chiffre révélé par le quotidien La Provence, des dizaines de milliers de personnes vivent notamment dans des conditions souvent infernales dans une quarantaine de cités des quartiers populaires de la ville.
Ces trafics génèrent des sommes considérables, jusqu'à 80.000 euros par jour dans la cité des Oliviers A, attisant les convoitises et des guerres de territoire, avec des victimes de plus en plus jeunes: le 18 août, un tireur arrosait de balles de Kalachnikov un point de deal, tuant un adolescent de 14 ans.
Depuis, trois personnes ont été tuées, portant à 15 le nombre des victimes des règlements de compte depuis le début de l'année.
Pour lutter contre ces réseaux, le ministre de l'Intérieur a promis 300 policiers supplémentaires à Marseille d'ici 2023, dont 100 sont arrivés cette année dans les Bouches-du-Rhône, en plus de deux compagnies de CRS (120 personnels) désormais basées en permanence dans la ville. Selon le maire Benoît Payan, 800 policiers nationaux manquent encore.
Logement
Dès 2015, le rapport Nicol dénombrait 40.000 taudis à Marseille, soit 100.000 personnes concernées sur 860.000 habitants. En novembre 2018, la mort de huit personnes dans l'effondrement d'un immeuble rue d'Aubagne, à deux pas du Vieux-Port, avait illustré de façon dramatique l'état de délabrement avancé d'une partie du parc immobilier, plombant les derniers mois de Jean-Claude Gaudin à la mairie.
La situation est critique dans le coeur historique et populaire de Marseille, mais aussi dans certains ensembles périphériques. L'incendie, sans doute criminel, d'un immeuble de la cité des Flamants et la mort de trois des migrants nigérians qui y squattaient, avaient jeté en juillet une lumière crue sur ces "bidonvilles verticaux" dénoncés par la Fondation Abbé Pierre.
Autre écueil: le manque de logements sociaux, avec 41.000 dossiers sans réponse. Et si Marseille approche du seuil légal de 25% fixé par la loi SRU, ces logements sont quasiment absents dans les quartiers aisés du Sud ou au centre. Résultat: dans tout le centre ancien, ce sont des logements insalubres qui jouent le rôle de logements sociaux de fait, selon l'association Un centre ville pour tous.
Après la rue d'Aubagne, Etat et collectivités ont signé un plan d'action pour répartir les 600 millions d'euros promis contre l'habitat indigne, avec une stratégie à 15 ans pour 1.000 hectares du centre-ville, soit 200.000 habitants. Mais la première phase de ce projet, de 217 millions d'euros, vise quatre îlots dégradés seulement, soit 7 hectares.
"Il faut que Marseille se recouse, se relève", plaide son maire
Il faut que Marseille "se recouse, se relève", car la deuxième ville de France "n'est pas à la hauteur" de ce qu'elle devrait être, a plaidé mardi auprès de l'AFP son maire, Benoît Payan, avant une visite du président Emmanuel Macron.
Question: Pourquoi Marseille appelle-t-elle l'Etat à l'aide?
Réponse: "C'est une ville bouleversante, merveilleuse, une ville de résilience. Mais c'est une ville dans une situation financière exsangue, qui n'est pas à la hauteur de ce qu'elle devrait être. Ca fait longtemps qu'elle rate ses rendez-vous. Elle doit avoir un rôle dans le pays, en Méditerranée. Pour ce faire, il faut qu'elle se reconstruise, qu'elle se recouse, qu'elle se relève. On a une situation dans les services publics, dans les écoles, les équipements publics, sportifs, culturels qui ne va pas du tout. Les écoles sont indignes de la République, la situation du logement ne correspond pas à la sixième puissance du monde.
Marseille, qui est une ville qui fait cinq fois Lyon en surface, a deux lignes de métro inaugurées il y a 40 ans. Une grande métropole en Europe n'a pas été capable de faire une ligne de métro (de plus) en 40 ans!"
Q: Qu'attendez-vous de l'Etat exactement?
R: "L'Etat a un rôle à jouer, pas pour venir nous faire l'aumône ou sauver Marseille, mais pour qu'on fabrique quelque chose ensemble. On a commencé à travailler à un grand plan de rénovation des écoles car c'est là que tout commence. On a fabriqué un plan à 1,2 milliard d'euros, c'est ce qu'il faut pour rénover, requalifier ou reconstruire. Au moment où je vous parle je n'ai pas la participation de l'Etat mais personne ne peut imaginer, au vu des attentes colossales et au vu de la réalité, que le président de la République vienne jeter de la poudre de perlimpinpin. Les gens imaginent que c'est une ville qui vit sous oxygène de la République, sous financement de l'Etat (...) mais dans la réalité, c'est une ville qui est parfois moins dotée que les autres grandes villes françaises. Je ne veux pas de chèque, parce que je veux (l'Etat) comme partenaire, pas comme financeur. Comme partenaire pour montrer qu'on avance, pour être transparent dans la manière dont je fais les choses, pour pas qu'on dise l'argent est englouti je ne sais où."
Q: Mais les mairies successives, de gauche comme de droite, n'ont-elles pas une responsabilité dans cette situation?
R: "Marseille a souffert d'un personnel politique, droite et gauche confondues, qui n'a pas peut-être su ou trouvé l'ambition nécessaire. Quand l'Etat fait le choix, il fait le choix du projet le plus pertinent (à soutenir financièrement) et Marseille a rarement eu des projets pertinents, de la part des administrations de droite ou de gauche.
On a eu pendant des années une incapacité à aller récupérer des fonds à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine par exemple, à porter des projets, à consommer des crédits, évidemment que ça désespère l'Etat.
Quand on est un minot à Marseille et qu'on est du mauvais côté de la barrière, c'est-à-dire dans des quartiers qui n'ont jamais été regardés par les élus pendant de trop nombreuses décennies, quand on a cette malchance, la mairie n'était pas là, mais quelque part aussi, la République n'était pas là."