"Quand j'ai commencé dans la santé, ce n'était même pas considéré comme une classe d'actifs: j'avais du mal à attirer des fonds", explique à l'AFP Mike Adams, fondateur en 2005 du groupe britannique Octopus Healthcare.
Aujourd'hui, la santé suscite suffisamment d'intérêt pour avoir son programme spécifique au Marché international des professionnels de l'immobilier (Mipim), le rendez-vous annuel mondial du secteur qui s'est tenu la semaine dernière à Cannes.
M. Adams, dont le groupe détient et construit des maisons de retraites comme des cliniques au Royaume-Uni et en Irlande pour un patrimoine de presque deux milliards d'euros, était invité à une conférence sur le thème: "Préserver la santé et prévenir la maladie".
Que s'est-il passé depuis quinze ans pour que ces bâtiments, certes nettement minoritaires en matière d'investissements face aux commerces et aux bureaux, émergent comme dignes d'intérêt pour le monde immobilier ?
Financièrement, M. Adams évoque l'arrivée vers 2012 au Royaume-Uni de fonds venus d'outre-Atlantique, au moment où les investisseurs américains, bénéficiant de liquidités importantes à cause de la politique très accommodante de la Réserve fédérale, cherchaient de nouveaux vecteurs de rentabilité.
Au-delà, "on est vraiment dans des tendances démographiques et sociétales lourdes dont on ne voit pas aujourd'hui ce qui va les faire infléchir", indique à l'AFP Olivier Wigniolle, directeur général du français Icade.
Le groupe immobilier, dont l'actionnariat est dominé par l'Etat via la Caisse des dépôts, mise depuis des années sur les établissements de santé, qu'il qu'il détient à hauteur de 4,5 milliards d'euros, et a lancé l'an dernier une expansion internationale qui commence par l'Italie et vise l'Allemagne et l'Espagne.
"Les dépenses de santé, compte tenu notamment du vieillissement de la population, sont sur des tendances de croissance qui sont supérieures à celle du PIB", détaille M. Wigniolle. "On peut le déplorer, mais c'est ainsi."
Avant Icade, c'est la société de gestion Primonial Reim --filiale du londonien Bridgepoint mais basée en France-- qui est allée à l'international en commençant par l'Allemagne en 2015. Dans son portefeuille, le secteur représente un poids équivalent à celui qu'il a chez Icade.
Face aux polémiques
"Les acteurs de l'immobilier de santé sont principalement français ou belges", souligne auprès de l'AFP Yann Balay, responsable du secteur chez Primonial Reim, l'expliquant par "une concentration des opérateurs en France: pour financer leur développement, ils ont trouvé le moyen de vendre leurs murs".
Car il faut dissocier les propriétaires, comme Icade et Primonial, des exploitants dont le plus emblématique est le géant français des maisons de retraite Korian, qui a racheté plusieurs concurrents pour être désormais présent dans cinq pays européens.
Pour les propriétaires, la situation est avantageuse: les baux sont très longs, jusqu'à presque trente ans en Allemagne, et il n'y a qu'un locataire à trouver pour un bâtiment.
Quant à expliquer l'essor des exploitants français eux-mêmes, certains interlocuteurs de l'AFP, s'exprimant anonymement car jugeant le sujet sensible, l'expliquent par la volonté des gouvernements, de gauche comme de droite, d'encourager la santé privée, jugée plus performante que le public.
Cette dissociation entre propriétaires et exploitants permet, en tout état de cause, aux premiers de juger leur image peu exposée face aux récentes polémiques en France sur de mauvais traitements en maison de retraite.
"Aujourd'hui, de ce que l'on peut voir des polémiques, c'est concentré sur les problématiques de prise en charge, pas sur la qualité de l'immobilier: c'est l'opérateur qui en répond", assure M. Balay.
Pour autant, il admet la possibilité d'un "scénario du pire": des manquements si importants qu'ils pousseraient les autorités à retirer l'agrément de l'exploitant. Cela rendrait inutilisable le bâtiment en tant que tel, puisque sa finalité est conditionnée en France à ce même agrément.
Cet exemple hypothétique souligne les risques du secteur, largement liés à une réglementation lourde mais fluctuante selon les pays et les systèmes de santé spécifiques.
"Nous regarderons à l'étranger mais, vraiment, avec beaucoup de prudence et nous n'irons qu'avec un partenariat ou en mettant en place une équipe locale", conclut M. Adams.