L'annonce d'une augmentation de 52% de la taxe foncière à Paris il y a quelques jours en a surpris plus d'un, la maire Anne Hidalgo se disant obligée, "en raison de crises systémiques", de revenir sur sa promesse de campagne.
Avec un taux de 13,5% de foncier bâti en 2022, la capitale est pourtant la grande ville de France où le taux est le plus bas.
Prises en tenaille entre l'envolée des prix de l'énergie et des recettes qui augmentent beaucoup moins vite, les mairies pourraient se servir de la taxe foncière pour atteindre l'objectif d'équilibre budgétaire auquel elles sont astreintes.
Interrogé par l'AFP, le ministère des Comptes publics n'avait pas de données chiffrées disponibles pour 2022, tandis que les taux pour 2023 ne sont pas encore connus, les collectivités ayant jusqu'au 15 avril pour adopter leur budget.
Dans un entretien jeudi à L'Est républicain, le ministre des Comptes publics Gabriel Attal estime toutefois qu'il "ne faudrait pas que le bouclier anti-inflation (...) mis en œuvre pour les Français soit fissuré par une explosion de la fiscalité locale".
De fait, une étude publiée en mai par le cabinet FSL, qui a interrogé les collectivités, montre que la taxe foncière a augmenté en moyenne de 1,4% au 1er janvier 2022 dans les 190 villes françaises de plus de 40.000 habitants.
Cette hausse se concentre sur les villes de plus de 100.000 habitants, où le taux a progressé de 1,9%. Elle est particulièrement marquée à Marseille (+14%) et Tours (+11,6%).
"Il s'agit de la plus forte augmentation observée depuis 2010 même si cette reprise du recours à la fiscalité intervient après cinq années de très forte modération fiscale", précise l'étude.
Hausse mécanique
Selon l'Union nationale des propriétaires immobiliers (Unpi), la taxe foncière dans son ensemble (base et taux) a augmenté en moyenne de 4,7% entre 2021 et 2022 dans les 200 plus grandes villes du pays.
En cause notamment, le calcul de la taxe elle-même, dont la base est indexée sur l'inflation, entraînant une hausse mécanique des valeurs locatives cadastrales de 3,4% en 2022.
"Il s'agit de la plus forte revalorisation depuis 1989", souligne l'Unpi, qui alerte sur un possible basculement de certains propriétaires sous le seuil de pauvreté.
"Pour 2023, avant même toute décision des collectivités sur leur taux, les propriétaires doivent s'attendre à ce que leur assiette d'imposition augmente comme l'inflation de l'année d'avant, pas très loin donc de 7%", prévient Thomas Rougier, secrétaire général de l'Observatoire des finances locales.
Une hausse mécanique qui pourrait freiner les velléités des maires, assure Claire Delpech, membre d'Intercommunalités de France, qui n'a pas constaté d'évolution massive à la hausse des recettes de taxe foncière en 2022.
Selon Pierre Breteau, coprésident de la commission des finances de l'Association des maires de France (AMF), il est encore "trop tôt" pour dégager une tendance pour 2023.
"Compte-tenu des incertitudes qui pèsent sur l'évolution des charges des communes, on assiste surtout à un report des votes du budget 2023", indique-t-il en rappelant que les maires peuvent aussi choisir "d'économiser sur leurs dépenses de fonctionnement ou réduire leur investissement".
"On sent bien que les maires voudraient éviter d'utiliser le levier fiscal, mais ceux qui sont dans des situations financières tendues pourraient le faire car les communes sont soumises à une règle d'équilibre budgétaire", reconnaît-t-il malgré tout.
Depuis la disparition de la taxe d'habitation sur les résidences principales, certains élus hésitent à faire peser uniquement sur les propriétaires la dynamique de leurs dépenses.
"Une hausse importante de la taxe foncière en 2023 montrerait aux Français que la suppression de la taxe d'habitation est une illusion, parce que le gouvernement a enlevé aux collectivités une ressource de recettes très importante et que les dotations de l'Etat ne suivent pas l'inflation", relève le sénateur PS Rémi Féraud.