Pourquoi est-il difficile de trouver un logement ? Quelles solutions pour trouver un logement plus facilement ? Le logement contribue-t-il à l’attractivité d’une ville ? Le logement est-il un argument important dans un programme électoral ? Quel est l’impact du logement sur l’emploi ? Autant de questions auxquelles cette étude s’efforce de répondre.
Se loger, l'éternelle litanie
42% des 18-34 ans interrogés considèrent que le prix des loyers est la principale raison qui explique leur difficulté à se loger. Suivent la pénurie de logement (21%) et les démarches administratives (18%).
Pour Ronan Chastellier, sociologue et maître de conférences à Sciences Po Paris : « A chaque rentrée, la litanie du logement locatif revient sur le devant de la scène. Pire, la raréfaction de l’offre locative s’est encore aggravée cette année avec les difficultés rencontrées par le marché immobilier. Et si pour un étudiant, il devient très compliqué d’obtenir un logement, le problème se déplace désormais vers les « jeunes actifs ». Alors qu’ils sont censés vivre une expérience positive grâce à l’obtention de leur premier emploi, leur enthousiasme se retrouve douché par la difficulté à se loger. Une sorte de front de colère naît parmi les 18-34 ans, une situation à laquelle les pouvoirs publics restent bizarrement hermétiques. »
Pour 18% des 18-34 ans, la crise du logement est imputable à l’inaction des pouvoirs publics.
Étude réalisée sur un échantillon de 1029 personnes représentatif de la population française âgée de 18 à 50 ans. 50% de l’échantillon est âgé de 18 à 34 ans.
Repenser l'offre de logements et son accès
56% des sondés estiment que la solution la plus à même de répondre à cet enjeu serait d’encourager l'implantation de nouveaux concepts d'hébergement adaptés aux besoins spécifiques de chaque usager (étudiants, jeunes actifs, familles, foyers monoparentaux, séniors, ... ).
Pour Ronan Chastellier : « Les jeunes actifs expriment un désir de réinvention du logement traditionnel. Ils attendent une atmosphère conviviale propice à l’échange, qui se conjugue à des espaces d’intimité et d’attention. Un souhait que l’on peut mettre en parallèle avec leur intérêt pour les concepts de « sharing », de « partage » et « co ». »
45% des interrogés pensent qu’il s’agit aussi d’encourager la transformation ou la rénovation des bâtiments vacants en logement.
Pour Ronan Chastellier : « On sent une forme de colère ou de crispation de la part des jeunes actifs, qui ne comprennent pas pourquoi les bâtiments vacants ne leur seraient pas destinés, ou tout du moins transformés en logement. Pour eux, c’est plus qu’une rigidité administrative, c’est une injustice. »
37% d’entre-eux estiment qu’il est nécessaire de favoriser les programmes de construction dédiés aux jeunes actifs.
Pour Jean-Baptiste Mortier, PDG de The Boost Society : « Les chiffres sont clairs, les plus jeunes attendent des logements adaptés à leurs contraintes. Ils souhaitent aussi que l’on mette fin à ce fabuleux gaspillage, trop souvent passé sous silence : le bâti vacant ! Transformons ces bâtiments vides, qui prennent la poussière, en logements. Les Français n’attendent que ça. Malheureusement, le bon sens de nos concitoyens se heurte encore trop souvent à l’absurdité de nos contraintes administratives. Pour un maire, accorder un permis de construire est déjà une prouesse en soi, alors modifier un PLU n’en parlons pas... Mettons-nous autour de la table et ouvrons des concertations avec les élus. Nous, acteurs du privé, sommes prêts à lancer des programmes qui répondent aux attentes spécifiques de leurs territoires respectifs. C’est dans l’intérêt de la nation. »
46% des sondés estiment que l’une des solutions, pour faciliter l’accès au logement, serait d’octroyer une subvention contre service rendu à la collectivité.
Pour Ronan Chastellier : « On le voit, les jeunes actifs qui éprouvent des difficultés à trouver un logement sont prêts à tout pour mettre fin à cette situation, y compris à donner de leur temps pour rendre des services à leur municipalité. »
Le logement levier d'attractivité pour les villes et argument politique
82% estiment qu’une ville qui propose des logements spécifiquement pensés pour les actifs et les étudiants renforce son attractivité.
Pour Ronan Chastellier : « Proposer une offre de logement adaptée aux étudiants et aux jeunes salariés, ainsi qu’aux différentes catégories de population (familles, personnes âgées) est un moyen pour améliorer l’image, le dynamisme, l’énergie créatrice et l’aspect vivant de sa ville. Et ce d’autant que les plus jeunes expriment un réel désir de grégarité et de communauté. Une nouvelle forme de sociologie locative est en train de voir le jour. Les nouvelles locations, davantage que les logements classiques, sont appréhendés comme des « fixateurs sociaux » qui dé-construisent l’approche standardisée et générique du logement, en y incorporant des espaces répondant aux nouveaux modes de vie. »
70% se verraient davantage voter, dans le cadre des élections municipales, pour un candidat qui réhabilite le bâti vacant pour le transformer en logement.
Pour Ronan Chastellier : « Le sujet n’est pas seulement humain ou social, il devient politique. Les jeunes actifs n’en ont cure des postures idéologiques, ils attendent du « concret » : un logement. Pour les jeunes, transformer le bâti inoccupé en logements devient ainsi un acte politique. Cette nouvelle signification politique du logement peut probablement devenir un argument électoral décisif dans le contexte de brouillage politique des prochaines municipales. »
Le logement, clé de voûte de l'économie et de l'emploi des territoires
83% des 18-34 ans interrogés pensent qu’une offre de logement suffisante et abordable renforce l’attractivité d’une entreprise qui se situe à proximité.
Pour Ronan Chastellier : « Attacher une importance au logement lorsque l’on est une entreprise, c’est une manière de montrer que l’on comprend les désirs profonds des salariés, de montrer que l’on a conscience des difficultés auxquelles ils doivent faire face. »
41% des interrogées déclarent avoir déjà refusé un emploi en raison de difficultés à se loger, un chiffre qui monte à 45% pour les 25-34 ans.
Pour Ronan Chastellier : « C’est un chiffre choc, qui montre bien la portée économique et pas seulement humaine ou sociale de l’absence d’initiative politique pour le logement locatif et à fortiori celui des 18/35 ans. Comment envisager une quelconque mobilité professionnelle pour une génération pourtant friande de nomadisme avec ces difficultés récurrentes de logement ? »
Pour Jean-Baptiste Mortier : « Ce n’est plus un secret pour personne, les jeunes éprouvent de réelles difficultés pour se loger. Au prix s’ajoutent la pénurie de logements, des démarches administratives et des garanties toujours plus contraignantes. Face à cela, l’inaction des pouvoirs publics est criante. Or, l’enjeu n’est plus seulement humain ou social, il devient politique. Comment attendre monts et merveilles d’une génération obligée de refuser un emploi faute de logement ? Sortons de cette léthargie et retroussons-nous les manches pour bâtir une offre de logement adaptée et suffisante. C’est la seule solution pour offrir au plus grand nombre la possibilité de se développer et de s’épanouir. Ne nous y trompons pas, il ne s’agit pas seulement d’une question de bien-être, il s’agit également d’un enjeu économique et d’emploi pour de nombreux territoires et de nombreuses entreprises. »
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