Plus de 4.700 amendements, bataille de procédures, joutes verbales... Les 110 heures de discussion prévues, soit un tiers de plus qu'au Palais Bourbon en février d'après la droite, permettront-elles d'atteindre le vote final avant le gong du 12 mars minuit ?
C'est en tout cas le souhait émis mercredi par le président Gérard Larcher : "le Sénat doit aux citoyens et aux partenaires sociaux un débat sur l'ensemble du texte".
Privé d'un vote des députés, l'exécutif table sur le Sénat pour conférer une légitimité démocratique à une réforme dont deux tiers des Français (66%) ne veulent pas, d'après un sondage Odoxa.
Les échanges s'organiseront autour du stratégique 7 mars, date du "blocage" du pays auquel appelle l'intersyndicale contre le recul de l'âge de départ à 64 ans. L'ensemble des syndicats de la SNCF et de la RATP notamment souhaitent une grève reconductible à partir de cette date.
Ce climat politique et social n'est pas du tout propice pour le gouvernement et sa majorité. La cote de popularité d'Emmanuel Macron a chuté de six points en février pour atteindre son plus bas niveau depuis trois ans, avec 32% de Français satisfaits de son action, selon un sondage Ipsos pour Le Point paru mercredi. Celle de la Première ministre Elisabeth Borne est aussi en baisse.
C'est le ministre du Travail Olivier Dussopt qui donnera de nouveau de la voix dès jeudi pour présenter le texte au nom du gouvernement, au côté du ministre chargé des Comptes publics Gabriel Attal.
"Le gouvernement espère que le débat qui s'ouvre au Sénat permettra de discuter de chacune des dispositions du projet de loi et ainsi d'avoir un débat éclairé sur la totalité des articles", selon M. Dussopt.
"On est là pour voter"
Les députés, empêtrés dans des débats houleux ponctués d'incidents de séance à répétition, n'ont pu examiner entièrement que deux des vingt articles du texte en deux semaines.
C'est donc sur le texte du gouvernement, à peine modifié, que vont plancher les sénateurs. Avant de se lancer dans l'examen sur le fond, ils vont discuter de deux motions de rejet en bloc présentées par la gauche, puis, sans doute vendredi matin, d'une demande de référendum. Les trois seront sûrement repoussées.
Mais socialistes, communistes et écologistes entendent "faire front" pour s'opposer à une réforme "bricolée", "pas juste", "pas utile".
Contrairement à ce qui s'était passé à l'Assemblée, les sénateurs de gauche veulent néanmoins un vote sur l'article 7, qui repousse de 62 à 64 ans l'âge légal de départ à la retraite. "Les Français doivent savoir qui vote et qui vote quoi quand il s'agit de leur avenir", défend le patron du groupe PS Patrick Kanner.
La gauche souhaite cependant que le scrutin sur cet article clé n'intervienne qu'à l'issue de la journée de mobilisation du 7 mars.
Au risque d'être critiquée pour sa proximité avec le gouvernement, la majorité sénatoriale fera tout pour aller au bout du texte. "On est là pour voter", approuve le président du groupe RDPI à majorité Renaissance François Patriat.
La droite entend néanmoins défendre ses "marqueurs" : retour à l'équilibre financier et politique familiale. Elle propose ainsi d'accorder une "surcote" de pension aux mères de famille qui ont une carrière complète. Une mesure chiffrée à 300 millions d'euros.
"Le gouvernement a un objectif, la majorité sénatoriale, des exigences. Il faut faire coïncider tout cela", a plaidé dans Le Figaro M. Larcher.
"Si nous pouvons avancer sur les droits familiaux avec la majorité sénatoriale, j'en serai le premier heureux", a affirmé de son côté M. Dussopt.
Le ministre du Travail a en revanche définitivement fermé la porte, jeudi sur RTL, aux demandes des sénateurs LR sur les régimes spéciaux de retraite, que le gouvernement compte supprimer sans toutefois toucher à la "clause du grand-père" (qui maintient les régimes spéciaux aux salariés qui en bénéficient déjà).
La majorité sénatoriale propose par ailleurs un CDI nouvelle formule, exonéré de cotisations familiales, pour faciliter l'embauche des seniors au chômage.
Les sénateurs attendent aussi du gouvernement des éclaircissements en premier lieu sur les carrières longues, un point qui a cristallisé les débats à l'Assemblée.
"Je veux que les Français soient éclairés, c'est un des rôles du Parlement", a souligné Gérard Larcher sur France 2.