"C'est à celui qui ose le plus", commente, observant la scène, Frédérique Réaubourg, chauffeur-livreur pour Chronopost. Ce Parisien de 45 ans "perd un temps fou sur la route" chaque jour, "les gens s'énervent, finissent par se croire tout permis".
D'après une étude du fabriquant de systèmes de navigation par GPS, TomTom, Paris est la ville la plus embouteillée de France et la situation se dégrade.
M. Réaubourg n'a pas encore décidé pour qui il allait voter aux élections municipales, mais il a des suggestions pour les candidats.
Son programme à lui: "gratuité des transports en commun pour vraiment inciter à abandonner la voiture, élargir les voies de bus, les ouvrir aux véhicules de service, penser aux autres usagers de la route lorsqu'on installe des pistes cyclables".
Les candidats à la mairie de Paris s'accordent sur le problème: trop de voitures, dans une ville trop dense, menant à trop de pollution. Et multiplient les propositions.
Anne Hidalgo (PS), David Belliard (EELV), Agnès Buzyn (LREM), Cédric Villani (ex-LREM) ou Danielle Simonnet (LFI) se sont engagés pour les préconisations d'associations de cyclistes, notamment la création d'un "Vélopolitain" - un réseau de grands axes cyclables - ou le développement d'offres de stationnement vélo.
David Belliard veut aussi réduire le nombre des camions dans Paris et favoriser le transport fluvial.
Agnès Buzyn propose des "affichages lumineux au sol permettant de modifier les règles de circulation et de stationnement au cours de la journée".
Anne Hidalgo veut traquer "le trafic de transit", c'est-à-dire tous ceux qui passent dans un quartier, mais qui ne sont ni riverains, ni commerçants ou indépendants.
Le "superbloc" de Barcelone sert de modèle: des quartiers où tout est fait pour décourager les automobilistes. Il est aussi préconisé par Cédric Villani.
Rachida Dati (LR) souhaite une concertation pour un "plan de mobilité, construit avec des experts et les maires des communes limitrophes", mais elle a d'ores et déjà promis de favoriser "l'électrification du parc des véhicules".
"Les voitures sont gênantes"
"Présenter la voiture électrique comme la solution est absurde, cela ne règle en rien la question de la congestion", remarque pour l'AFP Julien Demade, chercheur au CNRS et auteur des "Embarras de Paris".
"Pour améliorer la circulation, il faut privilégier les modes économes en espace (marche, vélo, bus et tramway), donc réorganiser la voirie en leur faveur", ajoute-t-il.
La voirie, y compris les aménagements de couloirs de bus ou de tramway, fait précisément partie des prérogatives de la mairie; contrairement aux transports en commun qui sont dans l'escarcelle de la Région.
"Il y a toujours un écart considérable entre les promesses et les réalisations", rappelle M. Demade, pointant que "la mandature qui se termine [n'a vu] la réalisation que d'un peu plus de la moitié du linéaire cyclable qui avait été promis".
Économiste des transports et urbaniste, Frédéric Héran souligne que "le trafic des voitures a baissé de moitié depuis 1992, et c'est la droite qui a lancé les premières politiques qui y ont contribué".
Il cite "Jacques Chirac qui a commencé à tarifer le stationnement et Jean Tiberi qui a lancé le premier plan vélo".
"Les promesses de campagne pro-voitures sont rarement réalisées, parce que les voitures sont gênantes et parce que l'opinion n'y est en réalité pas favorable, même si les Parisiens râlent quand ça les touche individuellement", décrypte M. Héran.
Pour sortir des bouchons, l'universitaire suggère une "verbalisation immédiate et dissuasive" des véhicules en stationnement illicite, ou encore de "continuer à abaisser les limites de vitesse".
"Quand les gens s'aperçoivent qu'ils vont plus vite à vélo qu'en voiture, où ils circulent en moyenne à 14 km/h à Paris, c'est très convaincant", conclut-il.