Depuis quelques semaines, les indicateurs économiques témoignaient déjà d'un regain d'inquiétude lié à la recrudescence des contaminations en France.
Mais en imposant notamment un couvre-feu sur une partie du territoire, le gouvernement a de fait mis à l'arrêt un certain nombre d'activités déjà fortement pénalisées: les bars et restaurants, comme les métiers de la culture et de l'évènementiel.
Ces mesures "vont limiter l'impulsion de croissance au risque d'avoir une variation négative de l'activité au dernier trimestre", prévient Philippe Waechter, chef économiste chez Ostrum Asset Management. Lui, mise sur un recul du PIB de 0,5% sur les trois derniers mois de l'année.
Pour l'assureur-crédit Euler Hermes, il devrait se contracter de 1,1% et à l'OFCE, on table sur une baisse "de l'ordre de 0,8%", indique Mathieu Plane, directeur adjoint du département analyse et prévision.
"Cette nouvelle dégradation au dernier trimestre est liée aux trois secteurs déjà les plus touchés - l'hôtellerie-restauration, les services de transports et les services aux ménages, qui englobent notamment les activités de loisirs - et qui vont replonger", précise-t-il.
"Mois de tous les dangers"
L'économie française affronte "le mois de tous les dangers", prévient encore Sylvain Duranton du Boston Consulting Group, qui a publié jeudi son nouveau "baromètre de la reprise" fondé sur l'analyse de quelque 10.000 données haute fréquence.
"L'économie est prise en tenaille entre une confiance des consommateurs, une envie d'acheter, de sortir, de faire du sport qui s'affaisse du fait de la pandémie, un rebond qui ne rebondit plus, et des particuliers et entreprises qui hésitent à investir", explique-t-il à l'AFP.
Signe de ce climat attentiste, la production de prêts par les banques est en recul.
L'Insee, qui tablait encore début octobre sur une stagnation du PIB au dernier trimestre, après la chute de 13,8% au deuxième et le rebond estimé de 16% au troisième, pourrait aussi abaisser sa prévision.
"C'était avant les nouvelles annonces de restrictions" et le nouveau contexte renforce la possibilité d'une "baisse par rapport à cette prévision", a prévenu mercredi le directeur général de l'Institut national de la statistique, Jean-Luc Tavernier, auditionné au Sénat.
L'indicateur mensuel du climat des affaires, publié jeudi matin par l'Insee, a ainsi reflué en octobre pour la première fois depuis le déconfinement, illustrant les inquiétudes des chefs d'entreprises sur leurs perspectives d'activité.
Au-delà de la perte d'activité dans les secteurs directement touchés, la deuxième vague de la pandémie renforce l'incertitude sur l'avenir, un climat peu propice aux décisions de consommation ou d'investissement.
Épée de Damoclès
Car malgré les mesures de soutien prises par le gouvernement, c'est bien la situation épidémique qui donnera le tempo de la reprise ou non de l'économie.
"Tant qu'on aura cette épée de Damoclès au-dessus de nos têtes, n'imaginons pas que nous pourrons retrouver une activité normale", souligne ainsi à l'AFP Philippe Waechter.
Malgré tout, la France n'est pas revenue dans la situation du confinement général du printemps où une grande partie de la population ne pouvait plus travailler, nuance Mathieu Plane.
Si les dernières restrictions décidées risquent de mettre au chômage de nombreuses personnes car "ces secteurs sont très riches en emploi, leur poids dans le PIB n'est pas massif, environ 4%, et ce ne sont pas des secteurs moteurs de l'économie" comme l'aéronautique ou l'automobile, juge-t-il.
Il estime toutefois que le gouvernement devrait encore renforcer le soutien aux entreprises, qui auront du mal à faire face aux premières échéances des prêts garantis par l'État obtenus pendant la crise et au remboursement des reports de charges qui leur ont été accordés.
Pour Philippe Waechter aussi, il faut que la France, et plus généralement l'Europe, accentue "l'impulsion budgétaire" pour relancer l'économie, avec "un soutien à la demande plus marqué".
Sinon, "il n'est pas sûr qu'on ait le rattrapage attendu au premier ou au deuxième trimestre de l'année prochaine", prévient-il.