"Cette stratégie +France relance+ (...) ça n'est pas une stratégie pour faire face aux difficultés du moment, ça nous l'avons déjà fait et nous allons continuer (...), non c'est préparer la France de 2030", défendait fin août Emmanuel Macron, juste avant la présentation du plan de relance.
Avec ses 100 milliards d'euros sur deux ans, dont un tiers consacré à la transition écologique, le plan de relance doit à la fois contribuer à retrouver d'ici à 2022 le niveau d'activité d'avant crise et entraîner l'économie vers une croissance plus durable.
Mais ce volontarisme se heurte désormais à la situation sanitaire, avec une deuxième vague qui s'annonce ravageuse et un reconfinement qui ampute de nouveau l'activité.
"Il y a un décalage entre le plan de relance annoncé il y a deux mois, qui a été élaboré dans un scénario qui privilégiait l'hypothèse d'une seule vague de l'épidémie, et ce dont on a besoin aujourd'hui avec le reconfinement et les conséquences économiques", estime Anne Laure Delatte, économiste chargée de recherches au CNRS.
Selon une évaluation de l'Institut Montaigne publiée vendredi, sur les 100 milliards d'euros du plan, "seul un cinquième de ce montant (21,5 milliards) sera consacré au soutien à court terme de l'économie, quand le double sera alloué à des mesures de moyen et long terme", le reste étant des mesures à effet mixte.
Le plan a aussi été élaboré dans une perspective de reprise forte de l'économie l'an prochain: le gouvernement table sur une croissance de 8% après une chute historique attendue à 11% cette année.
Mais la reprise sera peut-être plus longue à venir. "Il faudra réévaluer ces chiffres à l'aune de la durée du confinement", a d'ailleurs concédé le ministre de l'Economie Bruno Le Maire mercredi.
La commission européenne et le FMI ont déjà abaissé leurs prévisions pour la France, respectivement à 5,8% et 6%.
"Nous sommes dans une situation d'incertitude maximale: on commence à comprendre que ce n'est pas la dernière vague, et en plus s'ajoute le contexte international avec le Brexit et dans une moindre mesure les élections américaines", avance Anne-Laure Delatte.
En fonction des perspectives sanitaires au moment du déconfinement, "soit il y a un rebond dynamique, probablement comparable avec celui du troisième trimestre, soit les ménages et les entreprises anticipent un nouveau confinement et alors certains vont sans doute être dans une position attentiste", juge aussi Xavier Ragot, président de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
Un attentisme peu propice aux décisions d'investissement et de consommation qu'un plan de relance est censé stimuler.
"Réajuster"
Après plusieurs mois de crise, les entreprises sont aussi désormais dans une situation plus fragilisée, et souvent un endettement plus important.
Jeudi, le rapporteur de la commission des Finances du Sénat Jean-François Husson a appelé le gouvernement à "réajuster" un plan qu'il juge "tardif et mal calibré". Et il estime qu'"il faut désormais privilégier les mesures temporaires pour soutenir l'économie".
De nombreux économistes plaident pour un renforcement du soutien aux fonds propres des entreprises afin de limiter les faillites, alors qu'une enveloppe de 3 milliards est prévue dans le plan.
"C'est essentiel, parce qu'une fois que vous avez une entreprise qui fait faillite, en réalité, vous en avez en cascade car les intermédiaires, les clients, vont être eux-mêmes mis en difficulté", juge Anne-Laure Delatte.
Le dispositif d'activité partielle sera sans doute aussi plus utilisé qu'anticipé, estime Xavier Ragot.
A cela s'ajoute le besoin de soutenir davantage les ménages modestes, alors que la crise accentue les inégalités, défend l'Institut Montaigne.
Le gouvernement n'écarte d'ailleurs pas de renforcer les aides à court terme, à l'image de l'aide annoncée pour le paiement des loyers des entreprises.
D'autres mesures pourraient être intégrées dans le projet de budget pour 2021, selon Bruno le Maire, même s'il défend avec force les "deux piliers" pour lui complémentaires de la stratégie du gouvernement: "la protection et la relance".