Entre mars et mai, soit en gros la période de confinement décrétée en France contre la propagation du coronavirus, la construction de 53.900 logements a débuté en France, selon les chiffres donnés jeudi par le gouvernement.
Il s'agit d'une chute de 44%, par rapport à un an plus tôt, sans surprise alors que de multiples chantiers ont dû s'arrêter pendant des semaines, le temps de mettre en place des mesures sanitaires.
Pire encore pour l'avenir, les mairies ont largement cessé l'examen des projets immobiliers. Les permis de construire ont chuté de 40% à 65.700 unités.
C'est donc un déficit durable de nouveaux logements qui s'annonce, une tendance préoccupante car il faut maintenir une offre solide pour contenir des prix qui augmentent déjà depuis des années en France, en particulier dans plusieurs grandes villes.
Le sujet est d'autant plus crucial que le logement représente une grande part des dépenses des ménages et que ces derniers vont être confrontés à une récession économique d'une ampleur historique: -11% cette année en France, selon les dernières estimations.
Est-il encore temps de rattraper le retard pris en matière de logements neufs? Le gouvernement a pris des mesures pour que l'examen des permis reprenne rapidement après la fin du confinement, mais les professionnels sont pessimistes.
Le mois dernier, la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) estimait que le nombre d'immeubles autorisés allait reculer de 100.000 logements cette année. Et cela ne comprend même pas les maisons individuelles, l'autre pilier du marché.
Restrictions sur les emprunts
Les inquiétudes du secteur sont multiples car elles concernent à la fois l'offre et la demande.
Sur le premier plan, le logement neuf fait face depuis près d'un an à un enchaînement de situations néfastes à l'octroi de permis de construire.
Il y a d'abord eu la perspective des élections municipales avec un phénomène systématique, selon les professionnels: les maires sont timides à autoriser des projets potentiellement impopulaires.
Là-dessus est arrivée la crise du virus qui a non seulement bloqué l'examen des permis de construire mais aussi prolongé cette période électorale de plusieurs mois, avant que le second tour se tienne enfin fin juin.
"Ensuite, à la sortie de ça, on a des majorités compliquées, qui regroupent des gens qui ont des divergences", estime auprès de l'AFP Marc Villand, un dirigeant de la FPI.
Il estime qu'un certain nombre de nouvelles équipes ont été élues par "dégagisme" et risquent de peiner à s'accorder sur une politique cohérente.
Côté demande, les promoteurs et les constructeurs de maisons regrettent que les autorités financières maintiennent des restrictions sur les crédits immobiliers.
Ces limites ont été mises en place fin 2019 par le Haut conseil de stabilité financière (HCSF), qui regroupe entre autres Banque de France et ministère de l'Economie, par crainte que l'essor des emprunts immobiliers finisse par aboutir à des situations difficiles pour les ménages les plus modestes.
Les banques ont notamment été invitées à ne plus accepter des remboursements supérieurs à un tiers des revenus d'un ménage.
Le secteur immobilier espérait que la crise du virus infléchisse l'attitude des autorités, dans l'idée de ne pas freiner la reprise du marché du logement à la sortie de la crise. Mais il n'en a rien été.
Le marché immobilier connaît "une reprise d'activité rapide", a jugé le conseil en juin, maintenant ces mesures et suscitant les critiques de plusieurs acteurs du monde du logement.
Les conclusions des autorités financières sont "hors sol", a estimé dans un communiqué Alain Dinin, PDG de Nexity, premier promoteur français.
"Il n'y a (...) pas de reprise rapide de l'immobilier", mais "il y a pénurie d'offre et il y a +désolvabilisation+ de la demande", a-t-il conclu, annonçant lui aussi une chute durable des nouveaux logements.