A peine l'annonce du reconfinement dans 16 départements passée, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a égrainé son impact attendu sur l'économie française: 110.000 commerces fermés, 0,2 point de produit intérieur brut (PIB) perdu sur l'année et 1,2 milliard d'euros supplémentaires de dépenses mensuelles pour soutenir les entreprises.
Parmi les mesures annoncées jeudi soir par le Premier ministre Jean Castex, la fermeture des commerces et rayons dits non essentiels est celle qui aura les conséquences les plus importantes sur l'activité.
Elle va contraindre une nouvelle fois la consommation des ménages, principal moteur de la croissance française, même si une partie va se reporter sur la vente en ligne.
Cette fois, "la baisse devrait être un peu moindre" que lors des précédents confinements, juge Charlotte de Montpellier, économiste à la banque ING, parce que les restrictions ne concernent pas toute la population et parce que les consommateurs et les entreprises se sont adaptés.
Les régions concernées "représentent des millions d'emplois et pèsent 40% du PIB français", souligne toutefois le Medef auprès de l'AFP, ajoutant que ce reconfinement "aura évidemment des conséquences sur les entreprises et sur le moral des entrepreneurs et des salariés".
Le ministre des Comptes publics Olivier Dussopt s'est lui montré optimiste, en confirmant la prévision d'une croissance de 6% cette année malgré les nouvelles mesures, censées à ce stade durer un mois.
"Je suis convaincu que le 6% est atteignable", a-t-il affirmé vendredi matin, estimant qu'il y a "des motifs d'espoirs du point de vue économique".
Il a notamment cité le niveau des recettes de TVA en janvier, qui témoigne d'une bonne tenue de la consommation des ménages, de la résistance de l'investissement en fin d'année, et du fort rebond qui avait marqué la sortie du premier confinement.
La Banque de France a elle estimé cette semaine que la croissance française devrait atteindre 5,5% cette année, une prévision qui s'appuyait sur l'hypothèse d'"une combinaison de périodes de durcissement des mesures et de périodes de relâchement relatif" au premier semestre.
Le reconfinement "retarde complètement les perspectives de reprise de l'économie", estime toutefois Charlotte de Montpellier, avec une levée des restrictions qui s'éloigne encore.
L'objectif d'une croissance de 6% "est de plus en plus inatteignable", affirme-t-elle à l'AFP.
L'enjeu à ce stade est la rapidité du rythme de la vaccination, selon elle. Et "pour l'instant il n'y a pas de quoi être très optimiste sur ce point".
"In fine ça reporte le véritable décollage de l'économie française à toujours plus tard. Et plus ce décollage est reporté, plus il risque d'être moins dynamique", en affectant la confiance des entreprises et des ménages et en aggravant les difficultés dans certains secteurs, juge-t-elle.
7,2 milliards par mois
Pour les commerces concernés, c'est d'ailleurs la douche froide. "C'est l'hypothèse la plus dure qui a été retenue, c'est une vraie catastrophe", a déploré Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD).
La confédération patronale CPME demande donc de nouvelles aides pour les petites entreprises, notamment une "prise en charge réelle des loyers".
Pour l'instant, le ministère de l'Economie table sur une utilisation accrue des aides existantes: le fonds de solidarité (600 millions de dépenses supplémentaires prévues sur un mois), le chômage partiel (400 millions) et les exonérations de charges (200 millions).
Les entreprises de plus de 1 million d'euros de chiffre d'affaires mensuel pourront aussi voir leur coûts fixes pris en charge entre 70% et 90%, et cela de manière rétroactive au 1er janvier.
Ajoutés aux dépenses déjà prévues, cela porte à 7,2 milliards d'euros par mois le coût des mesures de soutien actuellement en vigueur, a dit Bruno Le Maire.