Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du Logement, a réuni par visioconférence ce jeudi 18 février les principaux représentants du monde de la construction afin d'annoncer les dernières décisions concernant la nouvelle réglementation environnementale des bâtiments neufs, la RE2020.
Après l'annonce des principales orientations par Barbara Pompili et Emmanuelle Wargon le 24 novembre dernier, ces dernières décisions viennent clore une phase de consultation riche et intense, au cours de laquelle le Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique (CSCEE) a rendu un avis et ses recommandations. Les ministres remercient l'ensemble des acteurs pour leurs contributions, qui ont permis de procéder à plusieurs ajustements du projet de réglementation afin d'en assurer sa mise en œuvre et son succès, tout en conservant son ambition initiale.
En particulier, l'entrée en vigueur de la RE2020 sera finalement fixée au 1er janvier 2022, après une publication des textes d'ici la fin du premier semestre. Conservant un calendrier rapide de mise en œuvre, cette date laisse les quelques mois nécessaires à l'ensemble de la filière et notamment aux concepteurs et promoteurs pour mettre leurs projets à venir en conformité avec les nouvelles exigences. La mise en œuvre de la RE2020 sera par ailleurs l'occasion de simplifier les formalités administratives au moment du dépôt du permis de construire.
De la même manière et afin d'assurer que la trajectoire fixée par la RE2020 permet aux innovations et développements industriels nécessaires de se déployer à temps, les autres jalons prévus par la RE2020 sont décalés d'un an (les dates de 2024, 2027 et 2030 devenant 2025, 2028 et 2031).
Globalement, les exigences fixées par la RE2020, reflet des orientations du Gouvernement pour la transition écologique dans le secteur du bâtiment, demeurent inchangées, qu'il s'agisse de sobriété énergétique, de sortie des énergies fossiles, d'amélioration du confort d'été ou de décarbonation de la construction tout le long du cycle de vie. La concertation a permis de procéder à plusieurs ajustements.
En matière d'énergie
Pour ménager la transition prévue à l'entrée en vigueur, des permis de construire pour des maisons individuelles chauffées au gaz pourront encore être obtenus jusqu'à fin 2023 lorsqu'un permis d'aménager prévoyant une desserte en gaz a déjà été délivré.
Un régime spécifique sera également prévu pour encourager le développement des réseaux de chaleur, qui constitue un enjeu stratégique de la politique nationale de décarbonation du chauffage des bâtiments.
En parallèle, la réflexion sur des mécanismes spécifiques de développement du biométhane pour les projets de construction se poursuivra.
En matière de construction
Les ministres ont pu, lors des annonces du 24 novembre dernier, souligner la place croissante que seront amenés à prendre le bois et les matériaux biosourcés dans le futur de la construction. Emmanuelle Wargon a cependant tenu à souligner devant les acteurs réunis ce jour que la réglementation repose sur une exigence de résultat et non de moyens, permettra de faire place à la diversité des modes constructifs et favorisera la mixité des matériaux. Au-delà de l'usage de matériaux qui stockent le carbone (bois et biosourcés), cette nouvelle réglementation encouragera le recours aux matériaux géosourcés (comme la pierre de taille ou la terre crue) et aux matériaux plus usuels (brique et béton notamment) qui se seront décarbonnés, ainsi que l'introduction de davantage de mixité des matériaux.
A cet égard, des ajustements concernant les seuils de l'impact carbone de la construction ont été présentés, qui, tout en conservant une pleine cohérence avec la stratégie nationale bas-carbone, permettent d'assurer qu'à l'horizon 2031 (dernier jalon fixé par la RE2020), des modes constructifs variés auront leur place et que, sous réserve de leurs engagements de décarbonation, tous les matériaux continueront d'être utilisés, selon leurs atouts respectifs.
Des travaux de normalisation au niveau français et européen seront par ailleurs engagés sur la méthode d' « analyse en cycle de vie dynamique » retenue pour la réglementation pour décompter les émissions carbone tout au long de la durée de vie du bâtiment et prendre en compte le stockage temporaire du carbone.
Afin d'accompagner la trajectoire ambitieuse que fixe la RE2020 et d'encourager l'innovation constructive, Emmanuelle Wargon annonce également l'ouverture d'un Appel à manifestations d'intérêt (AMI) dédié à la mixité des matériaux, financé par le Programme d'investissements d'avenir (PIA 4).
Enfin, la réunion avec les parties prenantes a également été l'occasion d'échanger sur les enjeux d'industrialisation des processus et modes constructifs et des questions de compétitivité de la filière, à partir de la présentation par Robin Rivaton et Bernard Michel de leur rapport le sujet.
Les professionnels du bâtiment vigilants
Pour la FFB, les derniers arbitrages du gouvernement sur la règlementation environnementale 2020 (RE2020) vont dans le bon sens.
De fait, affichant des ambitions qui restent très élevées, cette règlementation viendra renforcer la qualité environnementale des logements neufs et incitera les filières à innover. Elle constitue toutefois un pari sur l’avenir : certaines exigences à horizon 2028 / 2031 restent inatteignables avec les technologies actuelles et nécessitent de fortes évolutions de tous les métiers du bâtiment et dans l’industrie.
Devant cette incertitude, la FFB se félicite de la mise en place d’une clause de revoyure « au fil de l’eau ». Elle permettra, en fonction des retours terrain recensés dans un observatoire ad hoc, d’adapter les exigences, à la hausse comme à la baisse.
En revanche, la FFB regrette la stigmatisation du gaz et souhaite que les travaux pour la prise en compte du gaz vert se poursuivent.
Pour Olivier Salleron, président de la FFB,« Dans sa nouvelle version, la RE2020 reste très ambitieuse et la FFB se félicite que la clause de revoyure permette, dans les prochaines années, d’adapter les exigences 2028 et 2031 à l’aune du retour d’expérience. Nous allons nous engager pour relever le challenge. Il faudra toutefois s’assurer de mesures d’accompagnement suffisantes pour permettre à nos clients de supporter les surcoûts associés à cette nouvelle marche et à nos entreprises de se structurer, se former et s’équiper en conséquence. »
Historique de la réglementation thermique (RT)
La première réglementation thermique a vu le jour en 1974, à la suite du choc pétrolier, avec pour objectif de fixer des limites de consommation énergétique pour les bâtiments résidentiels neufs. Au rythme d'environ une par décennie, les réglementations thermiques se sont succédé jusqu'à la réglementation thermique 2012 (RT2012), en application depuis le 1er janvier 2013 et aujourd'hui toujours en vigueur. Ces réglementations sont devenues plus exigeantes avec le temps et ont couvert des champs de plus en plus vastes. Chauffage, surface vitrée, ventilation ou encore isolation, elles ont néanmoins toujours gardé pour objectif quasi exclusif de réduire les consommations énergétiques. En signant l'Accord de Paris en 2015, la France a pris un engagement important dans la lutte contre le changement climatique. Les émissions de gaz à effet de serre doivent diminuer et l'effort se répartir parmi les différents secteurs.
Cette ambition a été réaffirmée dans la loi énergie-climat qui prévoit d'atteindre la neutralité carbone en 2050. C'est un défi pour l'ensemble des secteurs et notamment celui du bâtiment, qui, représente plus de 25 % des émissions nationales en 2019, (en 2e position après les transports).
Aussi, l'État, avec l'aide des acteurs du secteur, a lancé un projet inédit pour prendre en compte dans la réglementation non seulement les consommations d'énergie, mais aussi les émissions de carbone, y compris celles liées à la phase de construction du bâtiment : la réglementation environnementale 2020 (RE2020). Cette nouvelle réglementation, qui viendra remplacer la RT2012, émerge de la volonté de l'État et du dialogue avec les acteurs qui ont décidé d'agir collectivement pour réduire les émissions du bâtiment.
La RT2012 s'était grandement inspirée d'une expérimentation qui l'a précédée, à travers le label bâtiment basse consommation (BBC). De la même manière, l'État a lancé en 2017 l'expérimentation E+/C-, pour caractériser les bâtiments à la fois sobres en énergie et en carbone, servant ainsi de point de départ pour élaborer la RE2020.
Pour la première fois, les acteurs de la construction ont pu travailler sur un indicateur carbone en cycle de vie, ce qui a permis de calibrer la réglementation environnementale. La RE2020 est désormais prête pour entrer en vigueur au 1er janvier 2022.