L'objectif est "de gagner du temps" et d'"apaiser les relations entre les porteurs de projets, les collectivités locales et les riverains", a défendu Nicolas Hulot, cité dans un communiqué du ministère de la Transition écologique et solidaire.
La France prévoit d'installer d'ici 2023 entre 21,8 et 26 gigawatts (GW) de capacités de production d'électricité à partir d'éolien, contre un peu plus de 13,7 gigawatts installés fin 2017, une année record avec plus d'1,6 GW, selon le bilan publié jeudi par l'organisation professionnelle France énergie éolienne.
Mais les projets se heurtent à un problème d'acceptabilité, avec de nombreux recours d'associations ou de riverains hostiles, ainsi qu'à des difficultés de cohabitation avec des installations militaires ou le patrimoine architectural. Résultat, les projets mettent entre 7 et 9 ans pour se concrétiser, contre 3 à 4 ans en Allemagne.
Parmi les dix mesures présentées jeudi à l'issue d'un groupe de travail créé en octobre, le gouvernement prévoit notamment de modifier la répartition des retombées fiscales, en augmentant la part qui revient aux communes accueillant des éoliennes.
"Cela fera une retombée directement sur le territoire où l'éolienne sera placée alors qu'aujourd'hui, c'était plutôt recentré sur celui qui est propriétaire du terrain", s'est félicité Charles-Antoine Gautier de la FNNCR, fédération de collectivités gérant les services publics d'énergie et d'eau.
Les bonus accordés aux projets qui ont recours au financement participatif seront aussi systématisés dans les appels d'offres, et l'éclairage dont sont équipées les éoliennes pour permettre aux avions de les repérer sera fixe, et non plus clignotant (c'est la principale source de gêne pour les riverains).
Ces mesures vont "lever les freins", alors qu'"un certain nombre de collectivités veulent s'engager sérieusement dans la transition énergétique", selon M. Gautier.
Gagner 18 mois à 2 ans
Autre mesure réclamée de longue date par les porteurs de projets, la suppression d'un niveau de juridiction pour les recours qui seront directement traités par les cours administratives d'appel.
"On va gagner facilement 18 mois, voire 2 ans", s'est félicitée Marion Lettry, du Syndicat des énergies renouvelables, jugeant l'ensemble des mesures "clairement de nature à accélérer" les projets.
Selon les professionnels, la France devrait installer environ 2 GW par an pour atteindre les objectifs fixés, contre environ 1,4 GW réalisés annuellement en 2015 et 2016.
"Pour un développeur cela veut dire aussi une meilleure visibilité et des frais juridiques, des coûts administratifs moins élevés", a noté Pierre-Antoine Chazal, analyste chez Bryan Garnier.
"C'est une régression majeure du droit", conséquence d'"un lobby industriel qui impose ses volontés", s'est en revanche insurgé Jean-Louis Butré, président de la Fédération environnement durable, opposée à l'éolien.
Pour tenter de limiter le veto de l'armée ou de l'aviation civile quand les projets entrent en conflit avec des zones d'entraînement ou des radars, le gouvernement a réduit le pouvoir de la Direction générale de l'aviation civile.
Le ministère de la Défense s'est lui simplement engagé à réexaminer quatre zones d'entraînement aérien propices à l'éolien. C'est une "déception (...) sur ces sujets potentiellement très pénalisants" pour Marion Lettry, qui salue toutefois les échanges interministériels.
Enfin, le gouvernement va clarifier les règles sur le remplacement des vieilles éoliennes par des turbines plus récentes.
"Nous sommes très satisfaits (...) de ces mesures efficaces et rationnelles", a réagi Pauline Le Bertre, de France énergie éolienne.
Pour Alexis Gazzo, expert du cabinet EY, ces mesures et le bilan éolien de 2017 permettent de penser "qu'on peut être plutôt sur la tendance haute" de l'objectif en 2023.
"Il faut que l'accélération se traduise maintenant dans de nouveaux objectifs ambitieux" qui seront fixés dans les discussions en cours sur la prochaine feuille de route énergétique de la France, a plaidé Pauline Le Bertre.
Vive opposition de plusieurs associations
A la suite de l'annonce des conclusions du groupe de travail sur l'éolien, neuf associations signataires d'un communiqué commun, font connaitre leur vive opposition aux mesures annoncées par le Secrétaire d'Etat à la Transition écologique et solidaire :
1. La soi-disant consultation évoquée par le ministre a soigneusement tenu à l’écart les riverains d'éoliennes et les associations qui les représentent et ont pour objet la défense du Patrimoine et des paysages ;
2. Ces mesures ne prennent aucunement en compte l’impact de la proximité des habitations face à des engins de plus en plus haut (200 mètres) ;
3. Elles ignorent tout autant la protection des paysages et l’environnement du patrimoine, classé par l’Etat, qui n’est même pas mentionné par les propositions ;
4. Il s’agit par une démarche à caractère financier (sur le dos des consommateurs) de faciliter à tout prix une industrialisation massive des espaces naturels et agricoles, au mépris de ce que devrait être une démarche écologique respectueuse ;
5. Pour tenter de museler l’opposition des citoyens, le choix est fait de mettre en place des procédures dérogatoires au droit commun français.
Un véritable équilibre doit être trouvé entre la politique de protection du patrimoine et celle de l’environnement.
Toutes deux contribuent à l’activité économique. Les associations signataires restent disposées à une véritable concertation qui doit enfin avoir lieu entre le gouvernement et les parties prenantes.
Les associations signataires sont :
- La Demeure Historique
- FED
- Maisons paysannes de france
- Patrimoine Environnement LUR-FNASSEM
- Sauvegarde de l'Art Français
- Rempart
- Sites & Monuments
- Vent de colère
- VMF Patrimoine