Isoler les murs, le toit, changer les fenêtres, installer une pompe à chaleur ou des panneaux solaires, détruire complètement un bâtiment ou le restructurer... le labeur est vaste et va s'étaler sur une décennie, au moins.
La loi Climat et résilience impose la disparition des passoires énergétiques (notes E, F ou G au diagnostic de performance, DPE) d'ici 2034. Et l'Agence de l'environnement (Ademe) fixe un objectif de 80 à 90% de logements classés A et B au DPE en 2050, contre 16% à 24% du parc social actuellement, selon les chiffres de l'agence nationale de contrôle du logement social (Ancols) qui prend en compte l'ancienne et la nouvelle méthode de calcul du DPE.
"On avait tendance à faire des plans stratégiques de patrimoine à 10 ans", mais face à des objectifs à horizon 2050, "il faut anticiper sur 25 ans" désormais, constate Jean-Denis Mège, directeur général de Terres d'Armor Habitat (TAH).
Mais par où commencer dans la liste des travaux à mener dans des millions de logements ? "C'est complexe et plein de réflexion" car "il faut des arbitrages", prévient Jean-Denis Mège.
Le principal dilemme est de choisir entre rénover des logements ou en construire de nouveaux, deux enjeux compliqués à mener de front compte tenu des ressources financières restreintes des bailleurs sociaux.
"On pense que les bailleurs sociaux vont arbitrer en faveur de la rénovation thermique, qui coûte cher mais qui est une obligation légale, et en contrepartie il y aura des chiffres faibles de construction", estime Olivier Sichel, directeur général de La Banque des territoires, l'une des branches de la Caisse des dépôts et consignations (CDC).
La Fédération des Offices publics de l'habitat (OPH) a publié à l'occasion du 84e Congrès HLM qui se tient depuis mardi à Montpellier, une étude sur les investissements à réaliser par ses 175 adhérents pour atteindre les objectifs climatiques. Sa conclusion est qu'il faut nettement augmenter le rythme de rénovation pour passer d'environ 1,5% de logements rénovés par an à 2% ou 3%.
"On a déjà un rythme soutenu, je ne suis pas convaincu qu'on arrive à accélérer", s'inquiète Jean-Denis Mège.
Priorité pour quels locataires ?
Au sein du parc social, 25 milliards d'euros d'investissements dans la rénovation énergétique sont nécessaires chaque année jusqu'en 2032 pour éradiquer les passoires énergétiques, selon la Banque des territoires. Mais en 2022, ce sont 5,1 milliards d'euros qui ont été investis dans des travaux d'immeubles existants et dans l'acquisition de logements d'occasion.
Autre arbitrage à faire: effectuer des travaux d'ampleur pour faire passer un logement directement en catégorie énergétique A ou B, ou bien le faire en deux étapes ?
"Il y a un enjeu d'équité" à choisir la première option, car cela implique que "des locataires vont attendre 20 ans leur rénovation", relève Jean-Denis Mège.
Ces locataires risquent de payer des factures de chauffage très élevées en attendant que ce soit au tour de leur immeuble d'être rénové.
Pour les associations de locataires, le plus important est la "concertation et la préparation en amont de la rénovation" pour attirer l'attention sur "les besoins des locataires" et prévenir "les nuisances", souligne Guillaume Aichelmann, chargé de mission logement social à l'association de consommateurs CLCV.
Il rapporte à l'AFP le cas d'un immeuble dans l'Oise où des travaux durent depuis quatre ans et privent certains locataires d'une pièce ou de leurs balcons.
L'autre préoccupation centrale est le coût pour les locataires: "les hausses de loyer concernent 70% à 80% des programmes de rénovation" suivis par la CLCV, selon Guillaume Aichelmann.
Pour prendre en compte les besoins des locataires, les bailleurs ont aussi "un intérêt à croiser les données de performance énergétique avec les précarités énergétiques", pour Jean-Denis Mège, parce qu'il peut être considéré comme plus urgent de rénover les logements des foyers à faible revenu.
Image d'illustration de l'article via Depositphotos.com.