"La plupart des gens qui nous regardent nous considèrent comme étant dans un milieu peu innovant", admettait mercredi le PDG du groupe, Xavier Huillard, lors d'une "journée médias", la première de ce type organisée par Vinci.
Pour dissiper cette idée, Vinci sort les grands moyens pendant deux jours. M. Huillard, accompagné des dirigeants de toutes les branches d'activité du groupe - de la gestion des autoroutes à la construction - s'est exprimé depuis un nouveau site exclusivement dédié à l'innovation à Paris.
Inauguré jeudi 7 juin, le lieu reprend sur 2.000 mètres carrés (l'espace doit prochainement doubler), les codes du monde des start-up: espaces modulables, salle de repos aux oreillers géants, coffee shop à l'accueil.
Mercredi, pendant près de trois heures, les dirigeants du groupe ont égrené devant la presse les différentes manières dont Vinci se sert des nouvelles technologies.
Dans l'exploitation des autoroutes et des aéroports, c'est la gestion des données qui prend la vedette, avec par exemple le "marketing aéronautique": suggérer aux compagnies aériennes l'ouverture de nouvelles lignes sur la base des données compilées dans les aéroports.
Du côté des chantiers, ce sont des projets de "route du futur", qui stocke la chaleur accumulée par le bitume pour de futures opérations de déneigement, ou de "ville sous la ville", soit le recours à la technologie pour développer les sous-sols urbains.
Plutôt qu'à de nouvelles annonces, l'exercice s'apparente à un bilan d'étape et la mise en place d'une vitrine technologique. Autrement dit, selon les termes de M. Huillard, qui reconnaît diriger "une entreprise plus que centenaire", le but est de sortir de l'idée que Vinci travaille "comme il y a cinquante ans".
Pas d'objectif chiffré
Le secteur du BTP n'est guère en pointe dans la course à l'innovation, alors qu'un géant industriel comme L'Oréal ou une figure du luxe comme LVMH sont présents à Station F, l'emblématique incubateur de start-up créé par Xavier Niel à Paris, ou que plusieurs grandes banques communiquent sans cesse sur leurs partenariats avec de jeunes pousses.
Dans ce contexte, le lancement par Vinci d'une "journée médias", appelée à se reproduire chaque année, rompt avec un secteur surtout habitué à communiquer métronomiquement les contrats engrangés.
"Avec les médias, on avait quoi ?", reconnaît-on chez Vinci. "Quelques rendez-vous par an: les résultats financiers, les voeux du PDG à la presse... On faisait peu de pédagogie sur les différents métiers du groupe."
Certes, le risque d'ubérisation est moins prégnant pour un secteur dont les clients ne sont pas des particuliers mais de gros organismes, souvent issus de la puissance publique.
Mais "celui qui est en avance sur ce genre de choses, évidemment qu'il est plus compétitif (...) et construit moins cher", a prévenu M. Huillard lors d'une discussion avec des journaliste. Autrement dit, c'est l'assurance d'obtenir plus de contrats.
Plus largement, au sein d'un autre grand groupe du secteur, un responsable s'inquiétait récemment auprès de l'AFP des intentions du géant Google dans l'urbanisme, craignant que ces évolutions renvoient les acteur du BTP à un simple rôle d'exécutant - aux biens moindres marges.
Pour autant, malgré ce contexte, le PDG de Vinci affirme n'avoir pas chiffré d'objectifs en matière d'innovation: "probablement, quelqu'un le sait mais n'ai pas posé la question... Quand on fait 40 milliards d'euros de chiffre d'affaires, on peut se permettre ce genre de choses", ironise M. Huillard.
Reste que ce flou témoigne de la difficulté de mettre en oeuvre une politique unifiée d'innovation à l'échelle d'un groupe comme Vinci: éclaté en une myriade de filiales et de sociétés différentes, la culture de la décentralisation y est très forte.
C'est "une équation pas simple", avoue M. Huillard, reconnaissant que Vinci n'avait compris que "relativement récemment" la nécessité d'une vision d'ensemble.