Le 24 mars 1999, un camion venant de France et transportant farine et margarine, prenait feu à mi-chemin dans le tunnel long de 11,6 kilomètres entre la France et l'Italie.
53 heures seront nécessaires pour éteindre l'incendie. Et des semaines pour identifier les victimes, pour la plupart mortes par asphyxie.
Rendu trois mois après la catastrophe, le premier rapport d'enquête pointait déjà une série accablante de dysfonctionnements: capacité d'extraction des fumées toxiques limitée, mauvaise utilisation des conduits d'extraction, fonctionnement inadapté des feux de signalisation, absence de galerie de sécurité, mauvaise coordination des postes de commande franco-italiens, consignes de sécurité inadaptées, moyens d'intervention insuffisants...
Depuis, les proches des victimes, qui n'ont jamais abdiqué, se rappellent régulièrement à la mémoire des sociétés concessionnaires.
Quatre fois par an, ils sont invités à un exercice de sécurité dans l'ouvrage souterrain, dont le dernier a eu lieu lundi. Ils y participent avec "le regard du candide", pour "une petite piqûre de rappel", explique Xavier Chantelot, membre d'une famille de victimes.
Quand l'un des membres de l'association remarque un défaut de fonctionnement en empruntant l'ouvrage, celui-ci est tout de suite signalé.
"Il fallait faire ce qu'il faut pour que cela ne se reproduise pas", raconte Pierre-Étienne Denis, un autre proche de disparus.
"Pour qu'ils ne soient pas morts pour rien", souligne celui qui préside maintenant la Fédération nationale des victimes d'attentats et d'accidents collectifs (Fenvac), dont fait partie l'Association de défense des familles des victimes de la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc.
Notre rôle est de "ne pas laisser de la place à la routine" dans le fonctionnement du tunnel et de pousser les sociétés concessionnaires française (ATMB) et italienne (SITMB) à "se remettre en question en permanence", explique-t-il.
"L'usager est habituellement vu comme une bête à payer mais quand on a tué 39 personnes, on se sent une dette envers lui", considère Alain Jakubowicz, avocat de la plupart des parties civiles au procès de première instance à Bonneville en 2005, puis en appel à Chambéry deux ans plus tard.
Mise en place dès la phase d'instruction judiciaire, l'association avait obligé la justice à mettre les grands moyens, notamment en demandant la nomination d'un deuxième juge lors d'une manifestation devant l'Élysée.
"Rien ne pouvait nous arrêter et rien ne nous arrêtait", sourit l'avocat lyonnais.
"Chacun a compris l'autre"
"Cela montre que quand les familles des victimes sont motivées, quand elles ont des arguments et que la presse leur porte un intérêt, il est possible d'avoir des résultats", note M. Denis.
Les deux procès ont en effet marqué un avant et un après dans la sécurité des tunnels.
Selon François Bessy, qui a présidé le second à Chambéry, la procédure a permis de faire prendre "conscience que les tunnels étaient dangereux". "On a vérifié la sécurité de tous les tunnels ensuite". Avec des centaines de millions d'euros d'investissements à la clef dans tout le pays...
"Ce qui pour moi est important, c'est la comparaison entre le premier jour du procès, au cours duquel la tension était insoutenable, et le dernier, à la fin duquel tout le monde s'est serré la main", se souvient Renaud Le Breton de Vannoise, président du tribunal de grande instance de Bonneville à l'époque.
"Je n'avais jamais vu ça. Le débat judiciaire avait fait son oeuvre. Après 57 jours de procès, les parties civiles avaient compris que les prévenus n'étaient pas des assassins, et les prévenus ont vu que les parties civiles souffraient dans leur chair et qu'elles cherchaient des réponses. Chacun a compris l'autre, au-delà de la procédure".
Une cérémonie est prévue dimanche matin au mémorial de Chamonix à l'occasion des 20 ans du drame.