A la demande du gouvernement, le gestionnaire du réseau à haute tension s'était lancé en 2019 dans une vaste étude avec pour horizon 2050, date à laquelle la France vise la neutralité carbone afin de limiter le réchauffement climatique.
Après avoir reçu de nombreuses contributions (d'entreprises, ONG, syndicats etc.) dans le cadre d'une consultation publique, RTE a dévoilé mardi le "cadrage" retenu.
Il en ressort six scénarios pour le mix de production, qui doivent maintenant faire l'objet d'évaluations avant publication des principaux résultats de l'étude à l'automne.
Un premier scénario (dit M0) prévoit un système s'appuyant à 100% sur les renouvelables en 2050, avec une sortie complète du nucléaire d'ici là.
Cela suppose un rythme d'installation des énergies renouvelables poussé à son maximum, notamment pour le solaire, dont les capacités seraient multipliées par 21, et pour l'éolien terrestre, quadruplé -- sans compter les éoliennes en mer appelées à se multiplier au large de nos côtes, alors qu'aucune ne fonctionne aujourd'hui.
La faisabilité technique de ce scénario avait déjà fait l'objet d'un rapport conjoint avec l'Agence internationale de l'énergie (AIE) publié fin janvier. Les deux entités concluaient à sa faisabilité, à condition de remplir une série de conditions techniques strictes et cumulatives.
A l'autre bout du spectre, un autre scénario (N03) retenu par RTE imagine que le nucléaire représentera encore 50% du système électrique en 2050, à parité avec les renouvelables.
Le nucléaire produit aujourd'hui plus de 70% de l'électricité française, et le gouvernement a fait le choix de le ramener à 50% d'ici 2035, afin de diversifier son bouquet énergétique.
Cette hypothèse N03 s'appuie sur ce que la filière, à commencer par EDF, s'estime capable de faire: la construction d'environ 14 réacteurs EPR ainsi que quelques petits réacteurs modulaires (SMR). Il suppose aussi de prolonger une partie du parc nucléaire actuel au-delà de 60 ans.
Mais même ce scénario suppose un développement très volontariste du solaire et de l'éolien.
"Tous les scénarios supposent un effort substantiel du pays sur toutes les technologies d'ENR (énergies renouvelables), sans exception", souligne-t-on chez RTE.
"Relatif compromis"
Entre ces deux scénarios, quatre autres, intermédiaires, panachent plus ou moins nucléaire et renouvelables.
Tous feront l'objet, d'ici à l'automne, d'évaluations sur trois autres critères: économique, environnemental et sociétal.
Pour sa consultation, RTE a réuni des acteurs aux points de vue souvent opposés - d'EDF à Greenpeace, du CEA à l'association Négawatt - et s'est félicité d'un "relatif compromis".
La ministre de la Transiton écologique Barbara Pompili a pour sa part salué "la large concertation", a indiqué son entourage.
"Les évolutions proposées par RTE pour la définition des scénarios apparaissent pertinentes et permettront d'avoir un spectre large d'hypothèses", selon la même source.
La question de la place du nucléaire et des renouvelables - en particulier l'éolien - fait régulièrement l'objet de débats animés en France.
Les prises de positions se sont même radicalisées à l'approche des élections régionales de juin, l'opposition aux éoliennes étant alimentée par le Rassemblement national ou le candidat (ex-LR) déclaré à la présidentielle Xavier Bertrand.
"Nos scénarios sont neutres technologiquement", souligne RTE, qui ne souhaite pas privilégier un mode de production par rapport à un autre.
Côté consommation, RTE a retenu environ 645 térawattheures par an, en nette hausse par rapport à aujourd'hui (460 TWh en 2020).
L'avenir suppose en effet un recours plus important à l'électricité au détriment des énergies fossiles, par exemple pour la mobilité ainsi que pour la production d'hydrogène.
RTE a cependant retenu plusieurs variantes (sobriété, réindustrialisation forte, plus d'hydrogène...), en fonction desquelles la consommation pourrait aller de 550 à 770 TWh.
Cette question de la consommation soulève des interrogations importantes sur les choix de vie futurs. L'option d'une relative sobriété électrique suppose par exemple de réduire les déplacements individuels ou la consommation de biens manufacturés.
Pour l'éclairer sur ses analyses, RTE a formé un conseil scientifique regroupant sept membres issus de plusieurs disciplines.