Les débats, qui devraient démarrer en fin d'après-midi, marqueront l'entrée en scène du nouveau ministre délégué au Logement, le macroniste Guillaume Kasbarian, chargé de désamorcer la "bombe sociale" redoutée par les acteurs du secteur.
A l'Assemblée en janvier, sur fond de remaniement inachevé, l'absence d'un ministre chargé spécifiquement de ce portefeuille pour débattre du texte du gouvernement avait irrité les oppositions. Sans empêcher son adoption haut la main en première lecture.
"Au regard de l'urgence de la situation, on attend aujourd'hui des dispositions beaucoup plus larges qui permettraient de répondre à la crise du logement", observe la sénatrice centriste Amel Gacquerre (UDI), rapporteure du projet de loi, faisant écho à un souhait largement exprimé à l'Assemblée.
Mais à défaut d'être "la grande loi logement" attendue, cette "boîte à outils est bienvenue" pour s'attaquer à l'habitat indigne, dit-elle à l'AFP. Parce qu'elle "vient du terrain" et s'attaque à un phénomène qui ne concerne pas seulement "les grandes barres" de banlieue parisienne mais aussi "des petits immeubles dans les petites villes".
Rénover plutôt que démolir
Pour soutenir les plus de 114.000 copropriétés qui sont en difficulté selon le gouvernement, le projet de loi veut notamment faciliter le lancement de travaux en amont, avant qu'une dégradation définitive ne nécessite une démolition.
Il crée notamment pour cela un prêt global collectif pour améliorer l'accès au crédit des copropriétés. Ainsi qu'une nouvelle procédure d'expropriation des logements frappés par un arrêté de péril ou d'insalubrité.
Pour lutter contre les marchands de sommeil, qui exploitent des personnes vulnérables en leur louant des logements en mauvais état, le texte renforce les sanctions pénales.
Les députés y ont ajouté une peine complémentaire: l'impossibilité, jusqu'à quinze ans durant, pour ces bailleurs, d'acquérir un bien immobilier autre que leur résidence principale.
Les sénateurs comptent eux aussi enrichir la copie. Concernant la nouvelle procédure d'expropriation, ils ont déjà ajouté en commission une disposition permettant "le relogement provisoire" des occupants dans des constructions temporaires.
Favorables au prêt collectif pour les copropriétés, les sénateurs ont toutefois déploré en commission l'absence de financement de la "garantie publique" que le gouvernement avait ajoutée via un amendement à l'Assemblée, au point de la supprimer.
"On souhaite qu'il y ait un message clair" de l'exécutif lors de la séance publique sur les ressources qu'il compte mobiliser pour que cette garantie soit opérante, fait valoir Mme Gacquerre.
Choc d'offre
En commission, les sénateurs ont aussi remodelé l'un des principaux ajouts des députés, jugé trop flou: la création de "syndics d'intérêt collectif" ayant une compétence reconnue pour reprendre les rênes de copropriétés fragiles.
Ils veulent notamment que la question de leur rémunération soit précisée. Et dans la version sénatoriale, les opérateurs du logement social ne seraient plus "réputés" remplir d'office les critères pour remplir ces fonctions.
Pour mieux prendre en compte les petites copropriétés de centre-villes, les sénateurs veulent par ailleurs donner la possibilité aux maires de faire procéder d'office à un diagnostic structurel des immeubles en zone d'habitat dégradé.
Au-delà de l'objet ciblé et technique du texte, la présence du ministre lors des débats "devrait permettre d'y voir plus clair" sur "sa feuille de route globale" pour relever le défi de la crise du logement, espère la rapporteure Gacquerre.
Le Premier ministre en a déjà donné quelques axes, assurant vouloir "aller chercher tous les logements possibles avec les dents" en créant un "choc d'offre".
Parmi les pistes, Gabriel Attal a évoqué la "surélévation, notamment en ville", la possibilité de mieux utiliser la place "autour des pavillons" individuels, la transformation de bureaux en logements ou encore le doublement de la production de logements locatifs intermédiaires.
Une modification décriée de la loi SRU, qui fixe des quotas de logements sociaux dans certaines communes, doit aussi être présentée avant l'été.