Le sujet, complexe, pose notamment la question d'aménagements à éprouver à grande échelle. Et il est particulièrement sensible dans l'Hexagone, où l'avenir de l'atome - aujourd'hui à l'origine de 70% de la production électrique - reste à trancher.
Commandé fin 2019 par le gouvernement à l'Agence internationale de l'énergie (AIE) et au gestionnaire du réseau électrique RTE, ce rapport, basé sur l'état des connaissances au niveau mondial, s'intéresse à la seule faisabilité technique.
Sa publication mercredi survient avant la sortie à l'automne d'un bilan complet de RTE incluant les coûts, impacts sociaux et environnementaux de huit scénarios avec et sans nucléaire.
"Bien qu'il n'y ait aucune barrière technique infranchissable a priori, il faut regarder les faits scientifiques, techniques et industriels", relève Xavier Piechaczyk, président de RTE. "Il reste beaucoup de sujets à résoudre. Le rapport suggère une méthode et des feuilles de route pour traiter ces enjeux".
La ministre de la Transition écologique Barbara Pompili l'a reçu lundi et l'a salué. "Ce rapport constitue un moment copernicien pour le monde de l'énergie. Nous avons désormais la confirmation que tendre vers 100% d'électricité renouvelable est techniquement possible", a-t-elle commenté, évoquant "une évolution conceptuelle majeure et une révolution pour nos représentations collectives concernant notre +mix+ (bouquet, NDLR) électrique".
Défis techniques
Face au réchauffement climatique, la France s'est engagée à la neutralité carbone d'ici 2050, ce qui implique un recours accru à l'électricité décarbonée pour de nombreux usages (transports notamment). L'option alternative sur la table: une montée des énergies renouvelables accompagnée d'un nouveau programme nucléaire pour succéder au parc actuel, ou s'appuyer sur les renouvelables seules.
A ce stade la France, qui veut diversifier ses sources, prévoit de réduire le nucléaire à 50% du bouquet électrique en 2035.
"Aujourd'hui la part du solaire et de l'éolien en France est à moins de 10%, il y a une forte marge d'amélioration", a dit mercredi à l'AFP Fatih Birol, le directeur de l'AIE. "Cette part peut croître si nous prenons les bonnes mesures. Mais plus elle croît, plus nous devons prendre des mesures pour assurer la stabilité et la sécurité du système".
L'AIE et RTE listent ainsi quatre "exigences".
Le "principal défi": pouvoir gérer la variabilité de la production éolienne et photovoltaïque, ce qui signifie d'importantes "sources de flexibilité" grâce au stockage à grande échelle, au pilotage de la demande ou encore une forte interconnexion transfrontalière.
La deuxième condition porte sur la stabilité de la fréquence. Des solutions sont appliquées au Danemark ou en Australie, mais leur "déploiement généralisé reste à évaluer".
Troisième condition, le gestionnaire du réseau devra disposer de réserves opérationnelles afin de pouvoir intervenir pour équilibrer le système.
Enfin, les réseaux devront être adaptés, à moyen terme.
Tout cela suppose "une feuille de route très volontariste", y compris dans les secteurs de l'hydrogène, de l'automobile ou du bâtiment.
Aujourd'hui, le numéro un en matière d'énergies renouvelables est le Danemark (60% en part annuelle), grâce à un schéma qui repose sur de fortes connexions avec les voisins.
"Nous avons des exemples (de 100% renouvelables) à petite échelle. A plus grande échelle, il faut plus de recherche-développement", souligne M. Birol, alors que l'AIE sortira en mai une feuille de route pour la neutralité carbone au niveau mondial.
Pour cet économiste, qui prône le maintien du nucléaire, la France doit garder cette source d'énergie, "atout national depuis des décennies", à côté de deux autres piliers pour sa transition, les renouvelables et l'hydrogène.
Le rapport RTE-AIE, après celui de l'Ademe qui en 2015 allait dans le même sens, promet de nourrir la bataille entre pro et anti-nucléaire.
"Oui, en France, les énergies renouvelables sont des alternatives solides aux énergies fossiles et au nucléaire", a réagi Greenpeace, jugeant que "depuis près de deux ans, le gouvernement pave, avec EDF, la voie d'une relance du nucléaire".
L'exécutif a remis la décision au prochain quinquennat, ne souhaitant pas s'engager avant le démarrage de l'EPR de Flamanville (Manche), objet de multiples retards et surcoûts. Avant, il aura reçu à la mi-2021 une nouvelle offre d'EDF en matière d'EPR.