Cette annonce suggère une poursuite du mouvement de repli des taux de crédit à l’habitat au second semestre 2024, une autre baisse du taux « refi » étant attendue d’ici la fin 2024. C’est une condition indispensable au processus de sortie de crise de la construction mais ce n'est pas la seule. Le volontarisme des banques en matière de crédits, le recul des prix immobiliers, la restauration de la solvabilité et de la confiance sont également nécessaires pour relancer l’investissement logement des ménages. Le chemin reste long. De plus, les dernières turbulences politiques consécutives aux élections européennes vont générer des incertitudes et un flottement législatif dont il est difficile à ce jour d’apprécier les impacts sur le secteur. Pour le moment, la filière amont encaisse la chute de l’activité constructive : l'indicateur Matériaux de l'UNICEM plonge de - 11,4% en volume sur un an au premier trimestre 2024 après un recul de - 5,9% par rapport au trimestre précèdent (CVS-CJO).
Chiffres clés
Cumul 4 mois 2024/2023 :
- le BPE accuse une contraction de – 13,5% contre – 5% pour les granulats.
Un mois d'avril moins mauvais que le mois de mars
Depuis janvier, l’activité dessine un profil en dents de scie, les hausses et reculs alternant au fil des mois. Ainsi, après le net repli de mars, les volumes de granulats ont progressé de +1,5% en avril mais demeurent en repli de -5,3% sur un an (données CVS-CJO). Au cours des trois derniers mois cependant, l’activité a enregistré une hausse de +1,1% par rapport aux trois mois précédents, laissant le recul à -5,6% sur un an. A fin avril et en cumul depuis janvier, la production de granulats s’inscrit donc en baisse de -5,9% sur un an tandis qu’elle affiche une contraction de -6,8% sur douze mois glissants. Du côté du BPE, après avoir nettement baissé en mars, les livraisons ont augmenté de +2,6% en avril, tout en restant inférieures de 11,1% à celles d’il y a un an. Sur le trimestre de février-avril, la production de BPE cède encore -3,4% par rapport aux trois mois précédents et -12,4% par rapport à la même période de l’an passé. A fin avril, en cumul depuis janvier, les livraisons perdent -13,5% sur un an et se contractent de -7,2% sur douze mois glissants.
Le nouvel indicateur d’activité des matériaux de l'UNICEM, calculé en volume à partir des indices de chiffre d’affaires et de prix de production de l’INSEE, nous livre également une tendance très négative en ce début d’année. Après une baisse de -9,7% en 2023, il recule de -5,9% au premier trimestre par rapport au trimestre précédent et de -11,4% sur un an. En mars, l’indice global du panier affichait 82,1 (base 100 en janvier 2021), soit une baisse de -4% par rapport février et de -9,9% sur un an (CVS-CJO). De tous les matériaux qui composent l’indicateur, les tuiles et briques, le BPE et les produits en béton accusent les plus forts replis (respectivement -20,1%, -16,4% et -13,2% en cumul sur douze mois à fin mars).
Les mises en chantier de logements au plus bas depuis 2000
Selon la dernière enquête menée en mai par l’INSEE auprès des professionnels de l’industrie du bâtiment, le climat des affaires se stabilise et se maintient tout juste au-dessus de sa moyenne de long terme. Mais dans le gros œuvre, le solde d’opinion sur l’activité prévue se situe bien en dessous de sa moyenne des 10 dernières années (à -9 contre +1). De même, le jugement sur les carnets de commandes du gros œuvre est bien inférieur à la moyenne sur dix ans alors que le niveau de ces carnets s’en rapproche (à 8,7 mois contre 8,4 sur dix ans). Ce décalage traduit sans doute une forte contraction des nouvelles entrées de commandes alors que certaines en cours peinent ou tardent à s’achever, les chefs d’entreprise étant encore, pour 66,7% d’entre eux, confrontés à des difficultés de recrutement. Côté construction, la conjoncture reste dégradée même si certains signaux suggèrent que le point bas semble atteint. Sur les douze derniers mois, à fin avril, les mises en chantier de logements se repliaient encore de -22,3% à 282.400 unités, soit le plus faible niveau jamais observé depuis 2000. Le rythme de recul se modère néanmoins ces trois derniers mois (-10,2% sur un an) et les ouvertures de chantier ont même progressé entre mars et avril (+9%) et par rapport au trois mois précédents (+2,5%, données CVS-CJO), notamment grâce au segment collectif (+7,4%). Côté non résidentiel, les locaux commencés baissent encore de -11,7% sur douze mois à fin avril et de -8,2% sur les trois derniers mois. Mais les permis se redressent et progressent de +1,5% en glissement annuel sur le trimestre février-avril. Sur douze mois, ils restent inférieurs de 5,6% au niveau des douze mois précédents. Ce redressement des autorisations semble aussi se dessiner timidement du côté des logements.
En avril, les permis augmentaient de +4% par rapport à mars mais, sur trois mois, la tendance demeure négative par rapport au trois mois précédents (-4,9%, données CVS-CJO). Au total, à fin avril et en cumul sur douze mois, on recensait 358.200 permis logements, soit 17,7% de moins que douze mois plus tôt. Ces premiers signes d’amélioration se retrouvent aussi chez les constructeurs de maisons individuels (CMistes). Selon Markemétron, les ventes d’avril et du début d’année sont encourageantes et confirment que le point d’inflexion est atteint. Pour autant, ce nouveau régime des transactions se situe à un niveau très bas au regard du passé, environ 32% en dessous de celui d’il y a un an pour ce quadrimestre. Au vu de ces évolutions, Markemétron table sur 48.000 ventes en 2024, ce qui laisserait le marché encore en repli de 20% par rapport à 2023. Il est vrai que le marché immobilier reste plombé en ce début 2024 : les transactions dans l’ancien (835.000 à fin février) ont perdu 23% sur un an ; les taux de crédit et les prix immobiliers, en dépit d’un léger repli, sont encore trop élevés pour permettre aux jeunes ménages primo-accédants d’acheter et dissuadent les propriétaires de déménager. Les ventes de « confort », qui assurent une fluidité et une amplitude de marché, cèdent la place aux seules ventes « de nécessité » (événements familiaux). Quant au marché du neuf, très dépendant de l’ancien, les transactions sont au plus bas depuis 1995, ayant été réduites d’un tiers en trois ans. Le robinet du crédit a pourtant été un peu réouvert par les banques en ce début 2024 mais la demande, certes mieux orientée, reste faible. Les flux des nouveaux crédits se sont en effet redressés depuis janvier (+74% entre décembre 2023 et mai 2024) mais la tendance n’en reste pas moins très négative : à fin mai, sur douze mois, la production de crédit affichait encore -34% et le nombre de prêts accordés, -25%. Les besoins en logements sont pourtant là ! Ces dernières années, la demande de logements sociaux a fortement augmenté (+7,5% en 2023 selon un rapport du HCDL*) avec un stock de 2,6 millions de demandes en attente, soit le niveau le plus élevé depuis 2005. Dans le même temps, l’USH* souligne que l’offre de logements sociaux n’a jamais été aussi basse : en 2023, on en dénombrait 82.000 contre une moyenne plutôt proche de 110.000 sur longue période. Quant au logement du secteur libre, une récente étude réalisée par l’ESPI* estimait les besoins supplémentaires à 400.000 unités par an d’ici 2030... une projection qui s’explique par le « desserrement » des ménages (2,11 personnes par logement en 2030 contre 2,22 à ce jour), plus impactant que le recul de la natalité mais aussi par la transition écologique et les mouvements de population.
Travaux publics : bon début d'année
En avril, selon la FNTP, les facturations ont continué de progresser (+2,5% sur un an), laissant le quadrimestre sur une hausse de +1,4% en volume en glissement annuel. La robustesse des carnets de commandes (+32,3% sur un an en volume), alimentés par les grands projets (notamment l’attribution de la ligne 15-Est en avril) et par le cycle électoral, autorisent un certain optimisme pour les mois à venir même si un ralentissement n’est pas à exclure dans le contexte de la tenue des Jeux Olympiques et du rabotage des lignes de crédit pour les collectivités prévu par le programme de stabilité du gouvernement Macron. Mais le remaniement politique qui se profile pourrait bien rebattre les cartes, y compris celles de la rigueur budgétaire...
*HCDL : Haut Comité pour le Droit au Logement – USH : Union Sociale pour l’Habitat –ESPI : Ecole Supérieure des professions de l’Immobilier
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