"On est percuté par pas mal de sujets politiques, économiques", admettait en début de semaine lors d'une conférence de presse Julien Langlade, président du réseau de courtiers en crédit Cafpi.
Est-ce que le contexte politique français est de nature à modifier vos projets d'achat immobilier ? Sa société a posé la question à un millier de clients entre le 11 et le 23 juin 2024, juste après l'annonce de la dissolution de l'Assemblée nationale par Emmanuel Macron et en pleine campagne des législatives.
Plus d'un répondant sur cinq s'est dit découragé, quatre fois plus que ceux qui se sentent au contraire encouragés, l'essentiel des répondants restant neutres ou ne se prononçant pas.
Un scénario de ralentissement de l'octroi de crédits "est encore plus probable en France en raison de l'effet combiné des nouvelles réalités politiques et de l'inévitable attitude attentiste", écrivait la semaine passée dans une note Nicolas Hardy, de l'agence de notation Scope ratings.
Le marché n'avait pas vraiment besoin de ça. Au plus bas au mois de mars depuis dix ans, le montant total des crédits immobiliers hors renégociations était reparti à la hausse en avril, avant de déjà s'essouffler en mai, selon les données publiées vendredi par la Banque de France.
Les banques de détail comptent pourtant sur le crédit à l'habitat pour repartir de l'avant et mettre un terme à la lente agonie liée à la remontée des taux d'intérêts, amorcée à l'été 2022.
Ce produit est clé pour la conquête. L'achat d'une résidence est en effet une occasion rare dans la vie d'un client de changer de banque et de rapatrier auprès de son nouveau créancier ses comptes, produits d'épargne...
Urgent d'attendre
"C'est une période difficile pour les agents économiques parce qu'on est en période de flou", souligne auprès de l'AFP Daniel Dadoun, associé au sein du cabinet de conseil Kearney.
"Tout le monde s'est pris la surprise de la dissolution", ajoute-t-il. Depuis, "il y a un peu d'attentisme", à tous les niveaux.
Côté investissement, les entreprises optent pour la prudence. Le climat actuel est une "invitation à encore plus de prudence dans le pilotage de l'entreprise pour l'instant", déclarait mi-juin devant ses actionnaires le patron du spécialiste en paiement Worldline, Gilles Grapinet.
De quoi limiter l'activité des cabinets de conseils, prestataires dépendant de la santé économique de leurs clients, mais aussi du marché des fusions et acquisitions.
"Le manque de visibilité pourrait geler les fusions-acquisitions" pour quelque temps, estime Ludovic Subran, économiste en chef chez Allianz, si l'incertitude sur le plan fiscal et commercial se prolonge.
Le moment tombe mal pour les spécialistes français des fusions et acquisitions, comme la banque d'affaires franco-américaine Lazard, tombée dans le rouge l'an dernier et dont le bureau de Paris a essuyé plusieurs départs.
"On anticipe que l'argent institutionnel va rester en France mais qu'il va être difficile de faire venir des capitaux étrangers", souligne auprès de l'AFP une source au sein d'une société de gestion.
Questionnement
Le dernier créneau sur lequel les agents économiques sont prompts à bouger vite, c'est finalement leurs placements.
La Bourse a fortement réagi le lundi suivant l'annonce de la dissolution et le lundi d'après le premier tour, à la baisse dans le premier cas et à la hausse dans le second.
Depuis, les "épargnants sont un petit peu en mode +wait and see+ on attend de voir justement comment ça va se passer", explique à l'AFP Félix Rivierre, de la plateforme d'investissement Goodvest.
"Il y a du questionnement en ce moment" de la part des clients aisés, admet un responsable régional d'une grande banque, mais aucune panique, selon lui.
Un avocat d'affaires parisien voit de son côté pour certains de ses clients un intérêt grandissant pour la Suisse, le Royaume-Uni et les Etats-Unis.
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