La récolte est mince. Icade, la filiale de la Caisse des dépôt en consignations (CDC) qui a construit plus de 640 logements dans le village et doit en céder près de 240 à l'issue des Jeux, a décidé de mettre en vente 88 appartements depuis le mois de juillet. Résultat? "Une dizaine de signatures", assure une cadre de la filiale sous couvert d'anonymat. Le promoteur a d'ailleurs récemment annoncé avoir baissé ses prix.
Pour Vinci, qui a mis en vente ses logements dès la fin juin, le bilan est plus flatteur si l'on en croit son site internet: 78 appartements ont trouvé preneur, mais il en reste encore une petite centaine en vente. Difficile d'avoir un décompte précis, le promoteur, sollicité par l'AFP, n'a pas donné suite.
"Largement le temps"
"Ce n'est pas beaucoup mais ils ont largement le temps, les appartements doivent être disponibles pour les acquéreurs un an après la fin des JO, soit fin 2025, début 2026", explique une source proche de la Solideo, l'entreprise chargée de livrer les ouvrages olympiques qui chapeaute la construction pharaonique du village olympique, susceptible de loger jusqu'à 6.000 habitants après les Jeux de Paris.
Les promoteurs doivent en effet récupérer les logements lorsque la flamme olympique aura été éteinte, en septembre. Il leur faudra un an pour les réaménager et les adapter: en l'état, par exemple, les appartements livrés au comité d'organisation de Paris-2024 n'ont pas de cuisine puisque les athlètes se restaureront dans l'immense restaurant installé le temps des Jeux sous la halle de la Cité du cinéma.
Sur les 2.800 appartements prévus pour accueillir les 10.500 athlètes, près d'un tiers - soit un peu moins de 700 - seront disponibles à la vente. Le reste sera réparti entre logements sociaux, locations et bureaux.
"Certains promoteurs ont fait le choix de tester les ventes de leurs appartements très en amont, d'autres attendront sans doute un peu. Mais clairement, ils avaient sans doute prévu un autre contexte il y a quelques années", tente d'expliquer une source au sein d'une entreprise travaillant pour la Solideo.
C'est d'ailleurs ce contexte de crise frappant le secteur immobilier qui sert majoritairement d'explication à cette poussive entrée en matière.
Depuis des mois, la crise et la hausse des taux freinent considérablement les transactions immobilières, encore plus dans le neuf "qui a vu son volume de vente chuter de près de 30% en un an", assure Thomas Lefebvre, le directeur scientifique de SeLoger et Meilleurs Agents, deux sites spécialisés dans les transactions immobilières.
"Le marché s'est retourné très vite, assez violemment. On est passé à des taux d'emprunt autour de 1% en janvier 2022 à plus de 4% aujourd'hui. Le marché des acquéreurs s'est considérablement rétréci", explique Thomas Lefebvre.
"De l'Eldorado, on est passé au Far West, et c'était difficile à imaginer", corrobore Sélim Mouhoubi, directeur de l'agence immobilière Stéphane Plaza à Saint-Ouen.
"Trop cher"
"Ils n'ont pas commercialisé trop tôt, ils ont commercialisé trop cher. C'est toujours une question de prix", assure d'ailleurs ce directeur d'agence. "Là, ils sont passés à 6.900 euros le m2 (contre 7.500 euros au départ). Encore 5 à 10% à raboter à mon avis. Ils doivent accepter de faire moins", assure-t-il.
L'arrivée subite d'un quartier neuf dans un environnement auparavant constitué de friches industrielles, sans commerces encore installés, et en complète transformation, n'aide pas forcément les potentiels acheteurs à se projeter. Cette zone est encore sans vie, excepté les derniers travailleurs qui s'affairent dans les immeubles.
"Le seul problème aujourd'hui, c'est le contexte. Sinon ce n'est pas un mauvais pari d'acheter dans ce quartier, il y aura des commerces, des écoles", anticipe Sélim Mouhoubi, qui juge que "l'attractivité de ce territoire, avec les transports qui arrivent, n'a pas d'équivalent en Ile-de-France".
"Il faut aussi voir l'effet JO, ce quartier va certainement être mis en avant", pronostique Thomas Lefebvre.