Le cadre finalement adopté pose une pierre majeure pour la reconnaissance des choix énergétiques français.
L’acte délégué à l’article 27(3) de la directive 2018/2001 (dite RED2), qui définit les règles de production d’hydrogène renouvelable, a en effet été enrichi d’une nouvelle méthode relativement aux versions précédentes présentées par la Commission aux Etats membres.
Pour tout mix électrique présentant un contenu carbone inférieur à 18gCO2eq/MJ (défini au niveau de la bidding zone), les électrolyseurs connectés au réseau électrique pourront comptabiliser jusqu’à 100% de leur production comme RFNBOs à condition qu’ils soient approvisionnés en quantités équivalentes d’énergies renouvelables via des Power Purchase Agreements (PPAs).
L’électrolyseur devra être localisé dans la même bidding zone que les actifs d’énergies renouvelables auxquels il est relié via des PPAs (corrélation géographique), et fonctionner aux moments de production d’électricité par ces actifs d’énergies renouvelables. Cette corrélation temporelle peut être mensuelle jusqu’au 31 décembre 2029, mais passera au pas horaire dès le 1er janvier 2030.
Ainsi, en France et en Suède, les actifs d’énergies renouvelables auxquels sont connectés les électrolyseurs via des PPA, n’auront impérativement ni à être additionnels (c’est-à-dire mis en service au plus tard 36 mois avant la mise en service des électrolyseurs), ni à respecter le critère d’absence d’aides d’Etat.
Cela a des impacts positifs majeurs, en rendant éligibles un volume considérable d’installations d’énergies renouvelables pour la production d’hydrogène en France. Et cela permet en particulier aux électrolyseurs français de s’approvisionner notamment sur des centrales hydroélectriques. Il sera donc possible de produire uniquement des RFNBOs out en maintenant un facteur de charge élevé, point décisif pour la compétitivité de l’hydrogène produit et pour répondre au besoin de stabilité d’alimentation en hydrogène des utilisateurs finaux (particulièrement industriels).
Même s’il s’agit d’une avancée considérable, il serait erroné de la considérer comme une reconnaissance du rôle de l’hydrogène nucléaire, ou électrolytique bas-carbone. La Commission européenne ne fait ici que répondre à un droit fondamental de l’Union, celui du libre choix par les Etats membres de leur mix énergétique : compte tenu du fait que la France repose déjà sur un mix électrique décarboné, conditionner le déploiement de l’hydrogène à la réalisation de nouveaux actifs de production d’électricité renouvelable conduirait mécaniquement à des capacités excédentaires et méconnaîtrait donc ledit principe.
Mais, en l’état, l’hydrogène produit par des électrolyseurs connectés au réseau électrique français qui s’approvisionneraient sur des capacités électronucléaires (via un contrat de long terme par exemple) au lieu de PPAs renouvelables, ne pourrait être comptabilisé dans l’atteinte des cibles d’utilisation d’hydrogène renouvelable définies dans RED3, ni entrer dans le périmètre de l’Innovation Fund ou dans le périmètre annoncé de la Banque européenne de l’hydrogène.
Pour Philippe Boucly, Président de France Hydrogène : « L’adoption des deux actes délégués RFNBOs constitue un pas crucial pour que la filière européenne et nationale prenne les décisions finales d’investissement, et que l’Europe conserve son leadership industriel sur l’hydrogène. Ces règles apparaissent aujourd’hui comme un juste compromis entre une méthodologie stricte, visant à s’assurer que le développement de l’hydrogène entraîne bien des baisses majeures d’émissions de gaz à effets de serre, et les assouplissements temporaires nécessaires au lancement massif de toute filière industrielle. Nous saluons l’établissement par la Commission européenne de règles spécifiques pour les Etats disposant déjà d’un mix électrique décarboné, comme la France. Si l’adoption de cette disposition constitue une avancée importante, elle ne reste néanmoins que l’expression minimale du droit légitime de la France à faire reposer sa décarbonation sur un mix de renouvelables et de nucléaire. Et ne saurait donc présumer d’un quelconque retrait de nos revendications à pouvoir comptabiliser l’hydrogène électrolytique bas-carbone, produit à partir de nucléaire, pour l’atteinte des cibles européennes d’utilisation d’hydrogène décarboné, ainsi que de son inclusion dans le panel de dispositifs de soutien européens mis en place (Innovation Fund, H2 Bank ...). L’histoire ne s’arrête pas là, nous poursuivrons nos efforts pour que l’hydrogène produit à partir d’électricité nucléaire soit reconnu dans l’atteinte des cibles de décarbonation. »